✦ Chapitre 1 ✦

La Mission

Le mausolée Hallix

Nuiternelle

Le Marché de Nuiternelle

La crypte des Dolindar

Le retour

✦ La mission ✦

Nos héros ont été choisis pour une mission d’une grande importance.

Escorté jusqu’à la villa de Lord Dagult Oncquebraise, seigneur de Pasdhiver, Sandro traverse le quartier noble jusqu'à sa villa. Devant les grandes portes en bois sculpté, deux gardes accueillent le magicien d’un salut formel, avant de l’inviter à entrer. À l’intérieur, un prêtre d’Oghma le guide à travers un vestibule silencieux.

Sandro est ensuite conduit dans un petit salon simple mais confortable. Plusieurs individus y sont déjà présents, leurs regards curieux se posant sur le nouvel arrivant.

Une Eladrine fait les cent pas, ses yeux scintillant d’impatience. Sa chevelure dorée flotte autour de son visage telle une couronne d’astres ardents. Sa peau, d’un éclat doré, capte la lumière filtrée avec une grâce presque surnaturelle. Chaque mouvement est vif, presque fébrile, et son regard passe d’une personne à l’autre, en quête de ce qui retiendra enfin son attention.

Sa tenue de cuir, façonnée pour épouser ses formes gracieuses, mêle habilement confort et protection. Teintée de verts doux et de bruns terreux, elle est ornée de motifs d’herbes et de vignes brodés sur les plaques de cuir — symboles de son lien profond avec la nature.

Non loin, un homme est assis, dégageant une impression immédiate de force tranquille. Sa silhouette de guerrier accompli — grande, droite, musclée — respire la discipline.

Sa peau foncée trahit de longues années sous le soleil des champs de bataille. Ses cheveux noirs, coupés courts, encadrent un visage orné d’une barbe tressée et soigneusement huilée.

Son regard d’acier, perçant, semble peser chaque personne présente. Vêtu d’une tunique sombre et d’un manteau de cuir usé mais élégant, il n’a nul besoin d’en faire trop. Sa simple présence suffit. Ce n’est pas un homme de guerre assoiffé de sang, mais un roc de loyauté et de principes, une forteresse.

Face à lui, un autre homme dégage une puissance tranquille, mais indéniable. Son crâne chauve capte la lumière vacillante des bougies, accentuant l’aura d’assurance qui l’entoure. Une barbe rousse, épaisse et taillée avec soin, lui confère une noblesse farouche.

Si l’on y prête attention, une fine cicatrice, dissimulée dans l’entrelacs des poils, trahit un combat ancien.

Mais ce qui frappe le plus, ce sont ses yeux : d’un bleu presque transparent, intenses, brûlants, comme s’ils sondaient l’âme de ceux qui croisent son regard. Il semble capable de percer les secrets, de dévoiler les failles et les mensonges.

Son regard incarne une volonté de justice implacable, une force qui dépasse la simple puissance physique. Un guerrier de la lumière… mais l’ombre de la vengeance marche dans son sillage.

Sandro est vêtu de noir, sobrement, comme un homme qui sait que l’ombre protège mieux que le fer. Son crâne rasé accentue les lignes ovales de son visage, et sa peau pâle évoque la cire.

Ses yeux balaient la pièce. Trois inconnus, mais déjà classées. Il en a l’habitude.

L’homme roux, debout, le regard intense. La rigidité du devoir. Sûrement un paladin. Il lui rappelle Lorian… cette droiture, cette incapacité à plier même quand tout le monde le devrait.

L’Eladrine, elle, n’attend pas, elle trépigne. Elle croise les bras, les décroise, fait un pas, se ravise. Roxanne aurait adoré. Même flamme, même impulsion de se jeter dans l’inconnu, pour les autres.

Et le dernier... Silencieux, mais pleinement là. Le pilier. Le genre de présence qui ne parle pas beaucoup, mais qui tient bon quand tout s’effondre. Comme Ketriken, dans ses moments de grâce. Pas dans ses éclats, mais dans ses silences.

Dans son esprit, les voix du passé résonnent. Ils ne sont pas Les chaussettes Bleues. Mais ils pourraient être autre chose. Quelque chose d’utile.

Et c'est précisément ce qu'il attend. Parce qu’à bien y réfléchir, Sandro n’a pas simplement choisi la voie de la nécromancie pour son pouvoir. Non, il l’a choisie parce qu’elle lui offre ce qu’il n’aurait jamais pu avoir autrement : du temps pour atteindre ses objectifs. Pour plonger plus profondément dans les mystères de l'univers, pour apprendre, comprendre, se surpasser.

Le prêtre, d’une voix calme mais ferme, déclare :

— Veuillez me suivre. Le Seigneur Oncquebraise vous attend.

Les aventuriers traversent une grande salle d’audience dont le plafond voûté est orné de fresques illustrant les exploits glorieux de Pasdhiver.

Une vaste table de bois sombre trône en son centre, recouverte de cartes, parchemins et globes : autant de témoignages des préoccupations stratégiques du seigneur.

Lord Oncquebraise, vêtu d’une tunique brodée de fils d’or et d’une lourde chaîne symbolisant son autorité, discute vivement avec ses conseillers. À la vue des héros, il s’interrompt, les gratifie d’un sourire chaleureux, puis congédie ses interlocuteurs d’un simple geste.

Ah, le maître des arcanes obscurs dit-il en se tournant vers le nécromancien. Si quelqu’un peut lever le voile de mystère entourant ces disparitions, c’est bien vous. J’espère que votre savoir unique saura percer les ténèbres qui nous menacent.

Il se tourne ensuite vers le paladin avec une sincère admiration :

— Noble champion, Pasdhiver compte sur des individus de foi et de courage. Je sais que vous ne permettrez pas que l’innocence soit sacrifiée à de viles machinations.

Au guerrier, il adresse un sourire complice :

— Votre réputation de force et de loyauté n’est plus à faire. Il se pourrait que des menaces bien sombres se dressent sur notre route, mais je suis certain que votre lame saura les faire taire.

Enfin, il se tourne vers la druide, une lueur de respect dans le regard :

— Gardienne de la vie et de la nature, votre lien au vivant et au sauvage sera un atout inestimable dans cette enquête. Les profondeurs autour d’Oncquemorte sont bien sombres…

Il se redresse légèrement, puis, dans un geste accueillant, désigne des sièges autour de la table.

— Mais asseyez-vous, je vous en prie.

Un serviteur s’approche en silence, proposant des coupes de vin ou d’eau fraîche.

—Mes amis commence Dagult Oncquebraise d’une voix posée mais empreinte de fermeté,

— Pasdhiver est confrontée à une menace invisible… mais bien réelle. Quatre de nos citoyens les plus éminents ont disparu, enlevés sans laisser la moindre trace. Aucun indice tangible. Aucun signe de lutte. Aucune trace de magie détectable. Juste… le vide. Ces personnes occupaient toutes des rôles essentiels, mais très différents, dans notre cité. Malgré les efforts de nos miliciens, nous n’avons trouvé aucun lien apparent entre elles. Et pourtant…

Il inspire profondément, comme s’il portait depuis trop longtemps un fardeau invisible.

— J’ai l’intime conviction que ces disparitions ne sont pas l’œuvre d’un voleur ordinaire ou d’un criminel isolé. J’ai personnellement mandaté la Maison du Savoir pour mener des divinations. Toutes les visions, toutes les augures, mènent au même lieu : le mausolée Hallix, dans le cimetière d’Oncquemorte. Mais dès que les prêtres tentent de scruter ce lieu, leurs visions s’obscurcissent. Quelque chose… ou quelqu’un… masque la vérité.

Un silence plane, solennel.

— Vous vous demandez sans doute : pourquoi vous, et non la garde de la cité ?

Son regard s’attarde sur chacun, sondant leur réaction.

— Nos soldats sont vaillants, mais formés pour affronter les dangers visibles, les menaces immédiates. Ce qui se trame ici… dépasse leur savoir-faire. La vérité, c’est que ce qui rôde dans ce mausolée pourrait bien menacer toute Pasdhiver, voire au-delà. Il nous faut des esprits aiguisés, des cœurs fermes, capables de faire face à l’inconnu… et d’en revenir. Vous êtes ces héros. Et Pasdhiver a besoin de vous.

Il sort alors un parchemin soigneusement roulé, qu’il déroule d’un geste précis.

Eldon Veuilleclef : érudit respecté, spécialiste des Plans Extérieurs et conseiller influent à la Maison du Savoir.

Indrina Lamsenstalle : actrice de renom, sa présence magnétique lui ouvrait les portes des cercles les plus fermés, où se jouent bien des intrigues politiques.

Sarcelle Malinosh : une sorcière réputée pour sa maîtrise de la magie sauvage, aventurière passionnée par les mystères extraplanaires.

Umberto Noblin : gnome historien, auteur d’ouvrages religieux majeurs, souvent consultés par les grandes familles de Pasdhiver et d’ailleurs.

Lord Oncquebraise dépose le parchemin sur la table, ses doigts effleurant un à un les noms inscrits.

— Chaque disparu est une perte majeure pour notre cité. Non seulement pour leurs talents, mais aussi pour ce qu’ils incarnent. Ces personnes sont les piliers d’un Pasdhiver éclairé, savant, puissant. Leur absence crée un vide que nul ne saurait combler.

Il se redresse et fixe les aventuriers tour à tour.

-- En échange de vos efforts, je vous offre un toit digne de héros dans notre cité, ainsi que ma gratitude éternelle. Mais sachez-le… la tâche ne sera pas aisée.

Un silence s’installe. Puis, il prononce la question fatidique :

— Alors, mes amis… êtes-vous prêts à accepter cette quête ? Pour la justice… et pour la vérité ?

Un échange de regards silencieux passe entre les quatre héros. Chacun comprend ce qui est en jeu, et ce que l’on attend d’eux.

Ils se lèvent.

Sandro, un sourire en coin, ajuste le col de sa cape avec nonchalance.

— Voilà une mission à la hauteur de mes talents.

Le paladin incline légèrement la tête, les yeux durs comme l’acier.

— Ce devoir est le mien.

L'elfe ne dit rien au départ. Elle observe le groupe, la table, le lord, le silence qui s’installe. Puis elle ferme les yeux brièvement et hoche la tête. Son assentiment est clair.

Quant au guerrier, il hausse les épaules avec un soupir :

— On ne va pas laisser ces gens disparaître sans rien faire. Et puis… ça me manquait, une bonne chasse.

Un instant de silence passe, puis l'Eladrine rompt le calme, posant une main légère sur la table.

— Il serait sans doute utile que nous apprenions à nous connaître, avant de marcher ensemble dans les ténèbres. Je suis Korazora, druide. Mes pouvoirs viennent de la nature, des bêtes et des esprits. N’oubliez pas ce nom… surtout lorsque les ténèbres viendront vous réclamer.

Baltus incline la tête à son tour.

— Baltus, paladin. Je sers la lumière, et je me tiens contre les ténèbres, quelles qu’elles soient.

Mardouk renifle légèrement, puis croise les bras.

— Korazora, hein ? Moi c’est Mardouk. Garde d’honneur de Pasdhiver, ancien aventurier. J’ai combattu aux côtés de compagnons qui ne sont plus là aujourd’hui. Je ne cherche ni gloire ni reconnaissance. Je fais juste ce qui doit être fait.

Enfin, Sandro lève deux doigts d’un air théâtral.

>— Sandro, Maître des arcanes nécromantiques. Oui, certains de mes sorts se servent de la mort, mais je vous rassure : je ne fais pas danser les morts sans bonne raison. Et croyez-moi… dans ce genre de mission, avoir un pied dans les ténèbres, ça peut être utile.

Baltus, d’un ton posé mais ferme, prend la parole.

—Nous avons un seul objectif : purifier ce cimetière, et éradiquer la corruption qui s’y cache. Chacun de nous apporte quelque chose d’unique. Ensemble, nous sommes plus forts.

Korazora, impatiente, lance un regard vers la porte.

— Assez parlé. Il est temps de nous équiper et de partir. Le cimetière ne se purifiera pas tout seul.

Mardouk attrape son arme, un rictus à peine contenu sur les lèvres.

— Pas de problème. On va vite régler ça.

Sandro, en refermant sa cape d’un geste élégant, conclut :

— Parfait. Ce cimetière va être… fascinant à explorer.

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✦ Le mausolée Hallix ✦

Sous un ciel pâle de fin de matinée, le petit groupe se tient devant les hautes grilles du cimetière. Autrefois réservé à la noblesse, le lieu porte désormais les marques du temps : pierres tombales usées, statues érodées par le vent et la pluie, végétation qui reprend lentement ses droits entre les dalles fendues. Le silence pesant n’est troublé que par le bruissement du vent dans les cyprès tordus. Plus loin, au détour d’un sentier envahi de mousse, se dresse un mausolée aux colonnes fissurées. Un nom est gravé sur le fronton : Hallix. Les lourdes portes métalliques, rouillées par le temps, portent encore les vestiges d’une chaîne brisée et d’un cadenas inutilisable.

Poussant les battants, les aventuriers découvrent un intérieur silencieux et poussiéreux, où six cercueils de pierre reposent de part et d’autre de la pièce. Des traces récentes ont troublé la poussière au sol, convergeant toutes vers un escalier de pierre s’enfonçant dans les ténèbres.

Sandro, le premier à agir, invoque son ombre : une silhouette éthérée qui glisse furtivement dans l’obscurité. Elle descend silencieusement l’escalier, se faufilant dans la crypte souterraine. Là, cinq guerriers morts-vivants arpentent la pièce d’un pas mécanique.

Ne souhaitant pas engager un combat direct, Sandro rappelle son ombre d’un geste précis. Un instant plus tard, il lève la main et incante une boule de feu. L’explosion illumine la crypte d’un éclair aveuglant avant de se propager dans un souffle ardent. Une chaleur oppressante envahit le mausolée alors que les flammes consument les revenants.

Lorsque les braises rougeoyantes se dispersent et que l’écho du sort s’estompe, le silence retombe, lourd et menaçant. La voie est libre… mais pour combien de temps encore ?

Nos valeureux aventuriers s’engagent dans cette crypte aux murs noircis par la récente explosion. Sur le mur ouest, une section de pierre a cédé sous la chaleur, révélant un passage creusé à même la roche. Contrairement aux murs du mausolée, taillés avec soin, ce tunnel est grossier. Les parois sont rugueuses, striées de griffures humaines et de profondes entailles.

Des goules ? pense immédiatement le groupe.

Une faible lueur filtrant au loin signale l’ouverture vers une autre pièce. Le passage débouche sur une vaste salle.

Dans le coin sud-est, un escalier en pierre s’est écroulé, brisant tout accès direct à la surface. Trois portes de bois renforcé occupent le mur nord. Celle du centre se distingue par un cadenas récent, dont le métal brillant tranche avec l’état vétuste du reste de la pièce.

À l’ouest, un balcon surélevé d’un mètre cinquante surplombe la salle, accessible par un petit escalier. Une porte unique y trône, frappée d’un symbole étrange.

—Vecna… murmure Sandro en pointant du doigt le sceau apposé sur la porte : une main squelettique tenant un œil.

Un silence glacé s’abat sur le groupe.

—Ce n’est pas juste une histoire de disparitions… ou de goules…

Désormais conscients de l’ampleur du danger, les quatre aventuriers poursuivent leur exploration, plus vigilants que jamais, commençant prudemment par les portes du nord.

La première pièce est remplie d'étagères de pierre couvertes de boîtes et de sacs divers. Contre les murs, des caisses empilées semblent contenir du matériel utilitaire : huile pour lanternes, chaînes, menottes… Parmi ce bric-à-brac, deux fioles attirent particulièrement l'attention. Elles portent une étiquette indiquant : « Usage exclusif pour les soins ».

Sandro, sceptique, choisit de ne pas se fier à ces simples inscriptions. Il les conserve précieusement pour les analyser plus tard, dans un endroit plus sûr où il pourra les identifier sans danger.

La salle suivante révèle une grille de métal recouvrant une fosse peu profonde. L'attention de Korazora est immédiatement attirée par une petite harpe d'or scintillant sous la grille, tandis que Mardouk et Baltus froncent les sourcils en apercevant des papiers éparpillés à côté d’un morceau de tissu ensanglanté.

Baltus, fidèle à son tempérament direct, avance et pose ses mains sur la grille avant que quiconque ne puisse l'arrêter.

Un bruit sec résonne. En une fraction de seconde, des lames surgissent, lacérant le paladin de plusieurs entailles. Un liquide sombre recouvre les lames, s’infiltrant rapidement dans ses blessures. Je vais bien , grogne-t-il.

Sandro s'accroupit près des documents. Il les feuillette rapidement et son expression s'assombrit.

Indrina Lamsenstale… Une aristocrate de Pasdhiver. Son emploi du temps, les plans de sa maison… Il plisse les yeux en lisant une note griffonnée sur le côté.

« Ses secrets concernant le seigneur Oncquebraise feront un digne sacrifice… »

Un frisson parcourt le groupe. Sans perdre un instant, ils récupèrent la harpe et les documents, les rangent dans un sac et se tournent vers la dernière porte.

Baltus, les mâchoires serrées, s’avance, ignorant le trousseau de crochets que Korazora s’apprête à utiliser. D’un geste puissant, il brandit son épée et l’abat violemment contre le cadenas. Dans un craquement métallique, le verrou cède sous l’impact, et la porte s’ouvre brutalement, grinçant sur ses gonds usés.

Derrière, la crypte est sombre et glaciale. Un cercueil ouvert repose au centre, garni de couvertures usées et rêches. Une masse de cheveux noirs en dépasse, trahissant la présence d’une silhouette recroquevillée. Sans hésiter, Baltus s’avance, l’instinct du guerrier en alerte.

Une créature dissimulée sous des linges ? Un mort-vivant tapis dans l’ombre ? La prudence n’a jamais été son fort. Dans un élan instinctif, il brandit son arme et l’abat d’un coup précis.

Un cri étouffé s’élève, les couvertures se teignent d’un carmin profond.

Baltus : Par Torn!… Il lâche son arme et s’agenouille précipitamment. Une lueur dorée émane de ses mains, invoquant les forces curatives de sa divinité. La blessure se referme lentement, et un frisson parcourt le corps inerte de la femme qu'il a reconnue comme étant l'une des portées disparues.

Korazora s’accroupit à ses côtés, posant une main rassurante sur l’épaule de la femme et la sort du cercueil afin de s'en occuper. Elle ouvre lentement les yeux, son regard trouble cherchant un point d’ancrage. Sa respiration est courte, tremblante.

Tout va bien, murmure-t-elle d’une voix douce. C’est fini. Tu es en sécurité.

La femme scrute tour à tour les aventuriers, lisant la sincérité sur leurs visages. Une larme glisse le long de sa joue. Elle inspire profondément et serre les couvertures contre son corps.

Sarcelle : Mon nom est Sarcelle Malinosh. Sa voix est brisée, mais reste ferme.

— Ils m’ont enfermée ici. Je… Je n’ai plus ma magie. Je suis vulnérable… Pitié, sortez-moi de cet endroit… Depuis combien de temps suis-je enfermée ?

Korazora invoque des baies magiques et les distribue à la malheureuse, tout en lui révélant ce qu'elle sait.

Sarcelle redresse lentement son dos, visiblement épuisée, et son regard se fixe sur Korazora, comme si elle cherchait du réconfort. Après un silence pesant, sa voix tremble légèrement.

— Avant que vous ne m’ayez trouvée, j’ai eu une vision… Une chose que j’aurais préféré ne jamais voir.

Elle ferme les yeux un instant, rassemblant son dernier courage, puis reprend d’un ton plus bas, presque murmuré :

— J’ai vu une silhouette desséchée, lévitant au-dessus du sol, enveloppée d’une énergie maléfique. Elle hurlait de triomphe… et puis… plus rien. Un gouffre. Comme si l’existence elle-même s’était effacée.

Sa main tremble en évoquant ces souvenirs, ses yeux se remplissent de larmes. Korazora la rassure à nouveau, et le reste du groupe les rejoint.

Mardouk est le premier à briser le silence.

— Nous devons partir. Maintenant.

Lorsqu’ils atteignent enfin la surface, Sarcelle inspire profondément, savourant cette liberté retrouvée. Son regard, auparavant hanté par la terreur, se fait plus résolu.

— Merci... murmure-t-elle en jetant un regard à chacun d’eux. Grâce à vous, je peux à nouveau marcher librement. Je vais prévenir le seigneur que Vecna et ses cultistes sont liés à cette horreur. Il faudra des renforts… et vite, des innocents sont encore retenus en bas.

Un dernier regard, un hochement de tête reconnaissant, et elle s’éloigne. Le silence retombe sur le groupe. Cette histoire est loin d’être terminée…

Retournant sur leurs pas, les héros se retrouvent devant la porte portant le sceau de Vecna. N'écoutant que son courage, Mardouk l'ouvre et s'engage dans un petit escalier. Il débouche dans une petite pièce qui semble être un carrefour entre plusieurs sections du cimetière. Le groupe s’arrête un instant, leurs regards attirés par les quatre cloches suspendues au plafond par de solides cordes de cuir.

Korazora plisse les yeux.

— Étrange. Pourquoi ces cloches ici ?

Mardouk, les bras croisés, observe pensivement leur disposition.

— Peut-être un système d’alerte ? Une façon d’avertir les cultistes en cas d’intrusion ?

Sandro hausse les épaules.

Ou un rituel. Certains cultes utilisent des sons spécifiques pour invoquer des esprits ou des malédictions. J’ai déjà vu des prêtres frapper des gongs pour appeler leurs dieux.

Baltus, posant une main sur son menton, l’air songeur.

Et si elles servaient à déclencher un piège ?

Mardouk jette un regard suspicieux aux cloches, puis à la pièce autour d’eux. Le groupe échange encore quelques hypothèses, mais, non loin, leur discussion ne passe pas inaperçue...

Le silence retombe sur la pièce tandis que le groupe jette un dernier regard aux mystérieuses suspensions. Finalement, Baltus désigne du menton l’escalier opposé.

— On continue.

Baltus, le regard dur, s’avance sans hésitation. Il se retourne vers Korazora et lève une main imposante.

— Je passe devant, grogne-t-il. Ce n’est pas un endroit pour une femme.

Korazora arque un sourcil, partagée entre amusement et exaspération. Mais avant qu’elle ne réplique, Mardouk lui donne une tape amicale sur l’épaule avant de suivre Baltus.

Ils ouvrent la porte donnant sur une vaste crypte aménagée sommairement en salle de réunion.

Sur le mur du fond, l’image glaçante d’un œil figé dans une main décharnée semblait scruter les intrus avec une attention malsaine.

Sept silhouettes en robes noires se tiennent debout et commencent à incanter. Une multitude de projectiles magiques frappent Baltus.

— Périssez sous la puissance de Vecna !

Le chaos éclate en un instant.

Ignorant la douleur, Baltus se rue sur le mage le plus proche, tandis que Mardouk hurle à Sandro :

— Ne tiens pas compte de ma présence pour ta magie !

Puis il saute du balcon, se dirigeant vers les ennemis au fond. Dans un grondement bestial, Korazora laisse son corps se transformer. Ses muscles gonflent, sa peau se couvre de fourrure, et un rugissement puissant résonne dans la pièce. Un des cultistes hurle en voyant l'ourse fondre sur lui.

Sandro, jubilant à l’idée de déchaîner sa magie, lance une boule de feu, ravageant la salle dans un tourbillon de flammes.

— Bien… c’est passé près, hein… hurle Mardouk d’un ton faussement détendu, tout en ajustant son bouclier.

Les mages adverses déchaînent les enfers à leur tour.

Baltus, pris dans le tumulte, sent la chaleur brûler son armure, mais il n’hésite pas. Il charge à travers la fumée, frappant un fanatique d’un revers brutal. L’homme titube en arrière, son sang éclaboussant le sol avant qu’un second coup ne l’abatte. Mais soudain, la chaleur intense d'une explosion le projette en arrière, et il s'effondre au sol dans un cri de douleur.

À moitié conscient, il aperçoit Korazora, dans sa forme d’ourse, déchiquetant des mages. Des éclats de flammes crépitent autour d’elle alors qu’elle continue son carnage sans se laisser ralentir, ses griffes tranchant l’air avec une précision brutale. Même en feu, elle semble plus enragée que jamais.

Attends... Une pensée distrayante frôle l’esprit de Baltus avant qu'il ne s’effondre : Je lui ai dit que ce n'était pas sa place, mais… elle est en train de massacrer des mages... Et moi, je suis là à m'évanouir sur le sol... Il rit faiblement dans sa tête. C’est ça, la place des femmes… Il secoue mentalement la tête alors qu’une autre explosion de feu secoue la pièce. Je suis un imbécile !

Le combat tourne rapidement à l’avantage du groupe.

Sandro, pris dans l’effervescence du combat, hurle de plaisir à chaque fois qu’il lance une boule de feu ou un éclair, comme un enfant avec un nouveau jouet magique. Les explosions déchirent la pièce, illuminant son visage d'une lueur fiévreuse. Il ne semble même pas se soucier du chaos autour de lui. Mardouk danse au milieu de ses explosions, chaque sort passant à quelques centimètres de lui. Son bouclier absorbe les chocs, dans un éclat de rire nerveux, il réalise qu’il doit sa survie à une chance quasi surnaturelle.

Les explosions successives affaiblissent Korazora, et sa première transformation s'achève. Mais, dans un ultime cri de rage, elle se transforme à nouveau en ourse. Elle reprend le combat avec une intensité décuplée, se jetant à nouveau dans la mêlée pour détruire les derniers mages.

Seul demeure l'odeur âcre de la chair brûlée et quelques gémissements étouffés des cultistes agonisants. Mais un bruit attire l’attention du groupe alors que Mardouk et Sandro soignent Baltus : un raclement contre la pierre, comme une dalle qu’on déplace.

Sans perdre un instant, ils se ruent vers la source du son. Ils débouchent dans une crypte où les niches mortuaires ont été vidées pour servir d’armoires. Contre le mur nord, quatre lits étroits, aux draps froissés par des sommeils agités.

Quelqu'un a fui dans la panique, laissant une ouverture béante dans la pierre du mur sud.

Le tunnel étroit débouche sur une vaste pièce, éclairée par la lueur dansante de bougies sur un large bureau. L’odeur du parchemin brûlé et de l’encens capiteux envahit l’air.

Au centre, penché sur des notes griffonnées à la hâte, un homme aux traits émaciés se lève de sa chaise. Sa robe sombre, brodée de motifs ésotériques, épouse sa silhouette famélique. À ses côtés, un mage et une créature bipède, son unique œil jaune fixé sur les intrus. Ses épines dorsales frémissent dans un sinistre mouvement, tandis qu'un grognement guttural s'échappe de sa gorge, prête à en découdre.

Ah… les rats ont suivi leur proie jusqu’à sa tanière. Vous arrivez à point nommé, murmure-t-il en tissant la magie dans l’air. Je manquais de cobayes pour mes expériences.

Baltus se jette en avant, suivi de Mardouk, chargeant la créature et le mage. L’homme qui a pris la parole lève une main, et la pièce explose en une décharge d’énergie nécrotique.

Baltus tente d’absorber la vague de ténèbres, mais un cri de douleur s'échappe de ses lèvres alors qu’il s’effondre sous l'impact du cercle de mort du nécromancien. Il tombe une nouvelle fois, mortellement blessé, son ego gravement atteint.

— Sérieusement… encore ? murmure-t-il dans un souffle haletant.

Son regard se porte sur le sol, où il se trouve désormais, et une pensée traverse son esprit : Si je continue comme ça, il va falloir que je m'habitue à mordre la poussière...

Kora Zora rugit alors et, dans un bond puissant, se rue sur le nothic, qui ne peut esquiver la furie bestiale qui s’abat sur lui.

Mardouk, quant à lui, engage le nécromancien avec rage, déviant tant bien que mal les éclairs nécrotiques du mage. Mais Jerot Galgin est rapide et insaisissable, usant du bureau comme bouclier temporaire.

C’est alors que Sandro, surgissant du passage secret, incante à voix basse. Une lumière bleutée pulse dans l’ombre du couloir, et une vrille de magie s’élance, frappant Jerot de plein fouet.

Le nécromancien titube, haletant, son regard furieux cherchant une échappatoire, mais il est déjà trop tard. Kora Zora, toujours sous sa forme d’ourse, bondit et l’écrase sous son poids.
Dans un râle, Jerot tombe, sa magie se dissipant dans l'air.

Kora reprend sa forme humaine. Sans attendre, elle se précipite auprès de Baltus, dont le corps gît au sol, blafard et inerte. Ses doigts tremblants effleurent son front, puis elle murmure une incantation en pressant ses mains contre son torse. Une lumière douce, teintée de vert, émane de ses paumes, imprégnant les plaies du guerrier.
Baltus tousse violemment en reprenant conscience, les yeux embués de douleur et de confusion. Kora l’aide à se redresser lentement, un regard soulagé mais amusé dans les yeux.

Sandro s’approche prudemment du bureau, d’un geste méthodique, il écarte les feuilles éparpillées puis ses doigts s’arrêtent sur un document plus soigneusement rédigé. Son regard parcourt les mots : "Crevasses du Crépuscule"… un phénomène récurrent à Pasdhiver, des portails qui s’ouvrent sur un autre plan. Il fronce les sourcils en lisant les suppositions du nécromancien.
Une note particulièrement sinistre attire l’attention de Sandro : "L’offrande des secrets à Vecna… un pas de plus vers l’illumination."

Mardouk, lui, garde son épée en main, les sens aux aguets. Alors que le groupe se remet du combat, un son étrange attire son attention.
Un murmure, non… une litanie, froide et rythmée. Et des cris étouffés se répercutent contre les murs.

Mardouk, en tête, le groupe avance prudemment vers la source du bruit, son cœur battant plus vite à chaque pas. Ils découvrent une immense salle plongée dans une atmosphère surnaturelle.

Sur une galerie surélevée, six figures drapées de robes sombres psalmodient un chœur hypnotique. Devant eux, une cage sphérique oscille doucement, suspendue au plafond par une chaîne. À l’intérieur, un elfe terrifié agrippe les barreaux de ses mains crispées et chuchotte — « À l’aide ! Je vous en supplie, ils vont me livrer à Vecna ! »

Mardouk s'engage sur le balcon et se dirige vers les escaliers descendant dans la salle en direction du balcon opposé, les cultistes ignorant sa présence, trop concentrés sur leur rituel. C’est alors que, surgissant du contrebas, une magicienne et une horde de Nothics se ruent sur le guerrier. Mardouk, d’instinct, lève son bouclier juste à temps pour voir les monstres bondir sur lui. Les créatures frappent, griffent, leurs yeux s’illuminant d’un éclat corrupteur… mais aucun coup ne traverse l’armure du guerrier. Il repousse l’un d’eux d’un revers d’épée, les toisant avec mépris.
« Il faudra plus que ça, vermine ! »

Mais le véritable danger vient d’en haut. Kendri Nex, la magicienne s’élève soudain dans les airs, un sourire narquois aux lèvres. D’un geste fluide, elle tend la main et une volée d’éclairs noirs s’abat sur le groupe. Baltus pare une partie du sort avec agilité, mais recule sous l’impact. Kora esquive de justesse, roulant au sol pour éviter une seconde décharge.

« Elle vole, » grogne Sandro, les yeux rivés sur la mage qui défie le groupe. « Ça va être un problème, je n'ai plus de sorts. »
Il observe la scène, visiblement agacé. « Génial. Voilà que je suis réduit à balancer des tours mineurs. Des tours mineurs! Sérieusement, pourquoi n'ai-je pas économisé des sorts, moi aussi, au lieu de lancer des boules de feu et des éclairs dans la première salle ? »

Les cultistes, eux, ne s’interrompent pas. Leur prière continue tandis que la magie du rituel grandit, baignant la salle d’un halo inquiétant…

Mardouk, quant à lui, arme son arc, d’un tir précis, il abat un fanatique. Le corps tombe lourdement sur le sol. Cet instant est suffisant pour que l’énergie magique du rituel vacille, se disloque sous le choc de l’interruption.
Un cri de terreur jaillit des lèvres de Kendri, mais elle n’a pas le temps de réagir. La litanie des cultistes s’effondre, et dans un éclat d’énergie pure et indescriptible, la pièce est plongée dans une lumière argentée et pourpre, un tourbillon de magie qui déchire l’espace.

Le sol tremble, l’air se tord autour des héros. Une force gigantesque les aspire, tirant sur chaque fibre de leur être. Leurs sens vacillent, comme si le monde lui-même se dérobait sous leurs pieds. Puis, tout devient noir.
Un instant d’angoisse. Une chute sans fin, suivie d’un silence glacial.

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✦ Nuiternelle ✦

Texte avec Dialogues en Gras

Une vision traverse leur esprit.

À travers les differents plans et âges, chacun entrevoit les innombrables cultes de Vecna, tissant une toile de magie noire. Des innocents sont arrachés à leur réalité, soumis à des rituels abjects où leurs souvenirs — et leurs secrets les plus enfouis — sont extirpés de leur âme.

Et derrière eux… une silhouette desséchée. Un œil unique, incandescent, perçant les ténèbres.

Vecna......

Puis tout disparaît.

Leurs yeux s’ouvrent, mais l’obscurité est totale. L’air est saturé d’une odeur de cendres et de chair décomposée. Leurs doigts effleurent des parois capitonnées. Un souvenir trouble se réveille dans l’esprit de Sandro – un souvenir qu’il préférerait oublier : les tombeaux d’Omu, Acererak et ses pièges mortels.

Avec effort, ils poussent les couvercles de leurs cercueils et la lumière vacillante révèle une fosse de trois mètres de profondeur, encombrée de boîtes semblables à la leur. Des chuchotements s’élèvent dans la brume cendrée, indistincts, glaçants.

Puis un cri fend le silence :

— « À l’aide ! Au secours ! Où… où suis-je ?! »

À ces mots, un grondement sourd résonne au sommet de la fosse. Des formes se détachent de la brume.

Des goules affamées, enchaînées, leurs fers rouillés raclant la roche.

Elles les ont entendues et..... Elles ont faim.

Le combat éclate, des griffes lacèrent l’air, des mâchoires claquent. Leurs râles bestiaux résonnent dans le brouillard.

Soudain, un cercueil explose sous un choc brutal. Un elfe en surgit, haletant, le regard affolé. Ses mains tremblantes tracent des symboles dans l’air.

— « Gardien de la foi ! » hurle-t-il.

Des silhouettes lumineuses balayent les goules, les consumant en un instant.

— « Je vous reconnais… J’étais prisonnier lors de leur rituel. Mon nom est Eldon Veuilleclef, prêtre de Dénéir. Je vous dois ma liberté. Vous… vous m’avez sauvé des cultistes de Vecna ! »

Un seul nom, et tout changea.

Kora fut la première à réagir. Une odeur de terre retournée, humide, ancienne, monta à ses narines, comme si quelque chose venait d’être exhumé tout près d’elle. Elle déglutit, instinctivement sur la défensive.

Dans l’esprit de Sandro, un rire glacial éclata, éthéré mais terriblement réel. Un esprit ancien, moqueur, avait trouvé une fissure dans ses pensées. Il chancela, ébranlé.

Baltus sentit une vague invisible le parcourir. Ses poils se dressèrent d’un coup. Une peur viscérale, animale, tapie dans l’ombre.

Mardouk, quant à lui, tressaillit. Un frisson aigu lui grimpa l’échine, pareil à une griffe d’ombre cherchant à s’ancrer dans sa chair....

Cette sensation les suivra, insidieuse, chaque fois que le nom de Vecna est évoqué en leur présence.

Se hissant hors de la fosse, Eldon scrute les alentours, les traits tirés par une inquiétude grandissante.

— « Ce n’est pas bon. Pas bon du tout… Nous ne sommes plus à Pasdhiver. »

Il ramasse une cape usée sur l’un des cadavres et l’enroule autour de ses épaules.

— « Nous avons été projetés en Gisombre. Un autre plan. Et plus précisément dans un lieu nommé Nuiternelle… une version tordue, corrompue de Pasdhiver. Une cité oubliée par le temps, peuplée de morts-vivants et de créatures qui n’ont plus leur place dans notre monde. Ici, les vivants ne sont que des proies, ou des divertissements. À moins qu’ils ne soient invités par ceux qui règnent sur ces ténèbres… »

Son regard glisse alors vers Baltus, s’arrêtant net sur ses vêtements, marqués de symboles trop visibles.

— « Si j’étais vous, je masquerais tout signe de votre culte. Dans ce lieu, ces marques peuvent valoir bien pire qu’un regard de travers… Si on veut survivre ici, il va falloir jouer très malin. »

Sandro s’agenouille, prenant un linceul à un corps desséché.

— « Ces suaires… ce sont peut-être notre seule chance de passer inaperçus. »

Il enroule le tissu autour de ses épaules, ajuste la capuche sur son visage, ses traits désormais dissimulés dans l’ombre.

L’idée se propage sans un mot. L’un après l’autre, les héros s’emparent des étoffes funèbres, enveloppant leurs corps vivants dans les habits des morts.

Eldon hoche la tête, sobrement.

— « Ne parlez pas trop. Ne respirez pas trop fort. Et surtout… ne regardez personne dans les yeux. »

Sandro se place en avant, un sourire malicieux sur les lèvres alors qu’il scrute les autres membres du groupe.

— "Eh bien, comme je l'avais dit, un nécromancien a ses avantages. Et croyez-moi, dans ce genre de mission, avoir un pied dans les ténèbres, ça peut être très utile."

Il tend une main vers l'ombre qui se forme à ses pieds, et d’un murmure rapide, il la fait se déployer derrière lui.

— "Moi et mon ombre, nous allons prendre les devants. Vous, mes chers compagnons, restez en retrait. Vous serez mes... serviteurs, en quelque sorte."

Eldon marche à leurs côtés, ses doigts nerveux triturant le bord de sa cape.

— « Si… si Nuiternelle est bien le reflet obscur de Pasdhiver… alors… le Grand Marché doit exister aussi, ici. » Sa voix tremble, mais une lueur étrange anime son regard. « Un lieu d’échange. De secrets. D’objets rares. De… services. Peut-être qu’en posant les bonnes questions… à la bonne personne… on pourra trouver un moyen de retourner sur notre plan. Il doit y avoir un passage, un portail. Un accord à passer. Ou un prix à payer. »

Il avale sa salive, nerveux, puis esquisse un sourire fragile.

— « C’est la première fois que je pose le pied en Gisombre. Je l’ai étudiée… rêvée, parfois… Mais jamais… jamais je n’aurais cru… »

Bientôt, une silhouette se dessine dans la brume: un mur d’enceinte délabré, percé de fissures béantes, couvert de racines mortes et de moisissures pâles.

Ils vont quitter le domaine des morts…

…pour entrer dans celui des damnés.

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✦ Le Marché de Nuiternelle ✦

Là où une ville ordinaire aurait son grand bazar, Nuiternelle abrite un marché aux allures de cauchemar. Des ruelles tortueuses serpentent entre des échoppes de pierre froide et de bois vermoulu, sous une lumière blafarde qui ne semble venir d’aucun astre. Des toiles de linceuls et des tentures en soie déchirée pendent aux façades, masquant les formes qui s’agitent derrière. Ici, la clientèle est… particulière. Des goules vêtues de robes élimées discutent en chuchotant avec des spectres voilés. Des marchands squelettiques, enchaînés à leurs propres comptoirs, tendent des artefacts maudits à des clients silencieux.

Les humains sont rares, et ceux qui s’attardent affichent une pâleur cadavérique, leurs yeux cernés d’un mal invisible.

Leurs pas les mènent devant L'Échoppe du Sang et des Larmes, où un vampire au teint grisâtre fait tourner une fiole de liquide sombre entre ses doigts fins.

— "Le sang est la mémoire du corps. Peut-être y trouverez-vous ce que vous cherchez ? murmure-t-il.

Non loin, une boutique attire l’œil de Baltus, qui refreine tant bien que mal son envie de dégainer. Les Mémoires du Manteleur. Une sorcière masquée y expose, avec un raffinement macabre, des vases canopes finement gravés, des éclats d’âme prisonniers de gemmes noires. Derrière son masque d’ivoire craquelé, sa voix s’élève, douce, presque maternelle :

— « Les souvenirs sont éternels… si l’on sait comment les arracher. »

Elle caresse du bout des doigts une gemme qui vibre au contact de sa peau, comme un cœur encore battant.

Mardouk, lui, s’arrête net devant Le Bazar des Corps. Une goule à la mâchoire trop large, presque fendue jusqu’aux oreilles, le fixe avec insistance. D’un geste joyeux, elle agite un doigt mariné dans un bocal jauni, luisant d’un formol douteux.

— "Un organe bien conservé, c’est un pas vers l’immortalité, non ?" ricane-t-elle. Le bocal claque contre le bois poisseux du comptoir.

Le groupe, conduit par Sandro et son ombre, fend la foule du marché de Nuiternelle avec une aisance étrange, mais alors qu'ils avancent entre les étals, une silhouette svelte et élégante surgit devant eux, balayant sa cape noire d’un geste dramatique. Son visage pâle se fend d’un sourire carnassier.

— "Je suis Sangora, et propriétaire des Cinglants Sanglants de Sangora. Vous avez besoin de repos ? Ou peut-être de quelques... informations ? Je peux fournir les deux, si vous êtes prêts à payer le prix."

Son regard s’arrête sur chacun des aventuriers, épiant leurs gestes, leurs postures. Elle a immédiatement repéré ces êtres de chair et de sang parmi la foule d’ombres et de morts-vivants. Leur allure, leur agitation... ils ne sont pas là par invitation, mais bien par égarement.

— "Je pourrais vous aider. Vous fournir des réponses, vous guider dans cette cité où chaque pas pourrait être le dernier." Son sourire se fait encore plus large, plus carnassier. — "Bien entendu, rien n’est gratuit."

Les aventuriers échangent des regards incertains, la tension monte. Mais c’est Eldon qui, avec une prudence mesurée, s’avance. Il pose une question avec une pointe de crainte :

— "La Crevasse du Crépuscule... vous en avez entendu parler ?"

— "… Très bien. Suivez-moi, nous serons plus tranquilles pour papoter, loin des regards indiscrets."

Elle se détourne sans un regard en arrière, se faufilant dans la foule de créatures décharnées avec une grâce presque irréelle. Le groupe la suit, traversant les ruelles tordues du marché. Enfin, ils arrivent devant un bâtiment ancien et étrange. L’auberge se dresse, sombre et silencieuse. Au-dessus de la porte, un panneau en fer forgé flotte légèrement dans l’air, portant l’inscription sinistre : Les Cinglants Sanglants de Sangora.

À l’intérieur, la lumière est faible, vacillante, émise par des chandelles de cire noire qui projettent des ombres déformées sur les murs nus. Des tables massives en bois sont éparpillées, recouvertes de napperons usés et maculés de taches sèches. Les murs, tapissés de tapisseries effilochées et décolorées, racontent des récits de souffrances anciennes, des visages déformés par la douleur, figés dans une éternité de tortures oubliées.

Les clients présents semblent tout aussi étranges, des silhouettes à peine visibles, leurs yeux dénués de vie, perdus dans la brume.

Sangora s’avance et mène le groupe à l’arrière de la salle, où une porte en bois noirci, presque invisible, s'ouvre dans un recoin dissimulé. Derrière cette porte se trouve une pièce exiguë, meublée de quelques chaises, de lits de fortune recouverts de couvertures tachées.

— "Installez-vous," dit-elle d’une voix presque chantante, mais empreinte d’un calme déstabilisant. "Ce n’est pas le grand luxe, mais c’est mieux que ce que vous trouverez dehors, croyez-moi. Ce n’est pas ici que la mort fait ses courses."

Sandro s'installe sur une chaise et demande: — "Je pourrais avoir quelque chose à manger ? De la nourriture humaine, si possible…" Il s’arrête, conscient de l’ambiguïté de sa demande, avant de précipiter : "Enfin, je veux dire... de la nourriture pour un humain."

Un sourire glacial s’étire sur les lèvres de Sangora, ses crocs légèrement visibles. Elle disparaît dans l’ombre, et revient avec du pain noirci et des boissons. L’odeur du pain est bizarrement sucrée. — "Bien, parlons affaires maintenant. 20 PO par réponse, ou si vous préférez, je pose à mon tour une question. Donnant-donnant, comme vous dites."

Une bourse de pièces cliquetant est posée sur la table. Le groupe se concerte brièvement avant que l’un d’eux, plus déterminé, ne prenne la parole : — "Connaissez-vous les Crevasses du Crépuscule ? Pour Pasdhiver."

— "Je connais une famille, les Dolindar. Cette famille était autrefois très respectée, l’une des plus anciennes lignées humaines de cette région. Mais un jour, sans avertissement, ils furent frappés par une malédiction. Une force obscure les condamna à l’exil éternel. Personne ne sait pourquoi ni comment ils attirèrent la colère de cette entité, mais ils furent chassés, contraints de vivre ici à Gisombre. Mais même dans la souffrance, les Dolindar ont continué de chercher. On dit que, dans leurs derniers jours, alors qu’ils cherchaient un moyen d’échapper à leur malédiction, ils ont découvert un passage vers leur monde."

Elle marque une pause, puis ajoute avec un sourire énigmatique :

— "La tombe des Dolindar pourrait bien détenir la clé de ce secret."

— "Pouvez-vous nous y conduire ?" demande sans attendre Korazora.

La vampire sourit, récupérant son dû. — "Je peux vous y conduire, bien sûr. Mais tout a un prix."

Elle se lève et va chercher une carte soigneusement rangée dans l’une des niches. D'un ongle effilé, elle caresse le parchemin ancien. Le papier se ride sous son contact, s'ouvrant lentement pour révéler un tracé oublié menant au mausolée des Dolindar.

— "Si vous le souhaitez, vous pouvez passer la journée ici et vous reposer. Vous ne craignez rien. Tant que l'or coule, les ombres s'écartent, comme on dit ici."

Le groupe décide de se reposer dans la taverne. Baltus et Mardouk, cependant, restent vigilants. Leur expérience leur dicte de ne jamais baisser leur garde, surtout dans un lieu aussi… étrange.

Le matin arrive sans qu'il ne fasse vraiment jour. La lumière blafarde de Gisombre n’a pas changé, comme si le temps lui-même était suspendu ici.

Lorsque tout le monde est prêt, le groupe se rassemble hors de la taverne et s’enfonce dans les rues désertes. Ils avancent sans encombre, suivant les indications données par Sangora. Après un moment, ils arrivent enfin à l’emplacement qu’elle leur avait décrit.

Au centre, un toit soutenu par des piliers de pierre s’étend au-dessus d’une tombe. La cour est envahie par des mauvaises herbes.

Alors qu’ils s’approchent, quatre silhouettes émergent lentement, se mouvant avec grâce. Les vampiriens, aux yeux entièrement noirs, les regardent d’un regard intense, comme s’ils les évaluaient.

En s’inclinant avec une révérence exagérée, l’un d’eux prend la parole :

— "Bonjour, ou bonsoir, visiteurs d'un autre monde ! Bienvenue. Nous pouvons peut-être vous aider ?"

Les vampiriens, malgré leur politesse apparente, ne sont pas venus pour discuter. Le combat éclate brusquement. Mardouk, croyant que ces créatures étaient des alliées de Sangora, baisse sa garde un instant, et n’a pas le temps de réagir. Les monstres, d’une agilité redoutable, se jettent sur lui. Le choc est brutal, mais rapidement, les aventuriers prennent le dessus. Leurs armes frappent avec précision, la magie fend l’air.

L’un des morts-vivants tombe sous les coups du groupe. Un autre, gravement blessé, tente de s’enfuir, mais il est rapidement rattrapé et éliminé. Les deux derniers, voyant leurs camarades tomber, prennent la fuite, disparaissant dans les ténèbres du cimetière.

— "Continuons," propose Baltus en abaissant son espadon.

Contrairement aux autres parties du cimetière, l'entrée est exempte de mauvaises herbes. Le sol, bien que fissuré par endroits, est soigneusement balayé. Il n’y a ni feuilles mortes, ni traces de mousse sur la pierre.

L’inscription "DOLINDAR" est gravée en lettres nettes sur la porte en pierre de la tombe. Là encore, aucune poussière ne ternit les lettres, comme si elles avaient été nettoyées récemment. Mardouk passe une main sur l’inscription, surpris par la sensation de pierre polie sous ses doigts.

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✦ La crypte des Dolindar ✦

Baltus pousse la porte de pierre, s’attendant à devoir forcer, mais à sa surprise, elle s’ouvre sans résistance. Un léger grincement se fait entendre avant que le silence ne retombe lourdement. L’air à l’intérieur est étonnamment frais, dépourvu de l’odeur de renfermé qui caractérise souvent les lieux oubliés.

Le groupe pénètre dans une petite antichambre. Face à eux, un escalier en colimaçon s’enfonce dans l’obscurité. Là encore, tout est d'une propreté impeccable. Chaque marche de pierre est polie, exempte de poussière ou de débris. Pas la moindre trace de toiles d’araignée dans les coins. Les murs eux-mêmes sont lisses, dénudés de toute inscription ou décoration, donnant à l’endroit une impression presque irréelle, comme suspendu dans le temps.

Lentement, le groupe descend et arrive dans une grande salle qui se déploie devant eux, éclairée par la lueur vacillante de leurs torches. Le hall est vaste, une vingtaine de mètres de long, avec des murs tapissés de grandes dalles de pierre, dressées comme des monuments funéraires. Chaque dalle porte un portrait, mais ces derniers sont délavés, presque effacés, représentant un humain en robe. Les traits sont à peine discernables, comme si le temps avait dévoré les visages et les noms des défunts, les rendant invisibles, tout comme leurs souvenirs.

Mais ce qui attire particulièrement l’attention du groupe, c’est une dalle parmi les autres, étrange et solitaire. Elle est vierge de tout portrait, et, sur sa surface lisse, un papier est soigneusement collé. Mardouk, curieux, s’approche du papier, "chambre de Newmy" est écrit en commun dessus. À peine ses doigts effleurent-ils la feuille qu’un souffle glacé se fait sentir. Tout à coup, une silhouette translucide émerge de la dalle, une petite elfe d’à peine 1,50 mètre, ses cheveux bouclés d’un bleu lumineux flottant autour de son visage pâle. Sa peau, fine et translucide, est marquée de veines bleues qui luisent doucement dans l’obscurité. Elle lève les mains dans un geste apaisant, visiblement surprise par la présence des intrus.

— "Oh ! Mes excuses ! Vous m’avez surprise... Je ne m’attendais pas à... Oh ! Mais attendez... Seriez-vous... des descendants ? Oui, vous portez le même éclat que mes anciens maîtres !" dit-elle avec une rapidité qui trahit sa nervosité.

— "Je suis tellement confuse ! Je... je nettoie cette crypte depuis si longtemps, et je... euh... Je suis désolée d’occuper une alcôve qui ne m’était pas destinée. Je n’ai pas voulu manquer de respect à votre famille !" s’empresse-t-elle d’ajouter, se penchant légèrement pour montrer des signes de respect envers les aventuriers.

— "Mais ils m’ont embauchée, vous savez, il y a très, très longtemps, et... et lorsque je suis morte, eh bien, je suis revenue. Mon contrat dure encore, voyez-vous..." Un sourire hésitant se dessine sur son visage. "Les Dolindar m’ont embauchée pour garder leur tombe propre et en ordre. Ils m’ont payé plusieurs vies de salaire d’avance ! Et voilà, je suis encore là, même après ma mort. Je suppose qu’il est de mon devoir de continuer !"

Les aventuriers échangent des regards, et Baltus, bien qu'encore un peu perturbé par la présence de l’esprit, commence à réaliser que ce spectre n’est pas menaçant.

— "Vous êtes Newmy, n'est-ce pas ?" dit-il doucement. "Nous ne cherchons pas de trouble, nous sommes... des descendants, de loin. Peut-être pouvez-vous nous aider, nous recherchons un passage, pour quitter Gisombre, peut-être l'avez-vous vu."

— "Les Dolindar étaient... disons... discrets. Ils n’aimaient pas Nuiternelle, mais quelque chose les empêchait de partir. Ils étaient tellement... seuls." La voix de Newmy se fait plus basse, presque triste. "Je ne sais pas si c'est ce que vous cherchez, mais plus bas dans le tombeau, il y a des boutons-puzzle ! Je n’ai jamais su à quoi ils servaient, mais je suppose qu’ils ouvrent quelque chose d’important. Vous pourriez essayer !" Elle sourit légèrement, visiblement excitée par cette information qu’elle a en elle depuis trop longtemps.

Elle pointe ensuite du doigt vers le couloir qui mène plus haut dans le tombeau.

— "Je n’ouvre plus les portes au bout du couloir…" Elle fronce légèrement les sourcils, comme si cette partie du tombeau lui apportait de mauvais souvenirs. "Les Dolindar enterrés là-bas ne... reposent pas en paix. Je les évite. C’est plus sûr comme ça. Je n’y ai pas mis les pieds depuis des..... années."

Remerciant Newmy pour les précieuses indications et la félicitant pour son professionnalisme, nos cinq héros se dirigent vers les boutons-puzzles.

L'escalier en colimaçon débouche dans une vaste salle où six piédestaux en marbre noir se dressent, chacun portant un objet d’apparence précieuse. Ces trésors sont disposés avec soin, presque comme si quelqu'un avait voulu les mettre en valeur, et non les laisser là à l'abandon.

Baltus s’arrête brusquement en lisant l’inscription gravée autour des piédestaux :
"À quoi bon des trésors quand la maison nous est refusée ?"

— Un avertissement, murmure-t-il en croisant les bras. Ou une malédiction.

Mardouk hoche la tête, scrutant la pièce du regard. Il secoue lentement la tête, puis s’éloigne des piédestaux.
— Ce ne sont pas nos tombes, ni nos trésors. On n’a pas à y toucher.

Sandro et Kora restent en retrait, hésitant. Le casque d’or brille d’un éclat tentateur, les pièces d’or semblent presque neuves, et le globe lumineux diffuse une douce lumière. Pourtant, l’inscription les retient. Si la famille Dolindar a été damnée, peut-être que ces objets le sont aussi.

— C’est une mise en scène, dit Sandro d’une voix prudente. Un piège, sûrement.

Kora acquiesce lentement. Pourtant, l’un des objets attire son attention : une boule à neige représentant une réplique parfaite de Pasdhiver. Elle tend la main, mais la retire aussitôt, hésitante.

C’est Eldon qui brise finalement le silence. Son regard s’est figé sur l’un des piédestaux, où repose un livre à la couverture de cuir usée. Il s’approche lentement, les doigts tremblants d’excitation.

— "Les clés de l’Éternelle prison"… Ce livre traite de Carceres, le plan-prison, murmure-t-il en passant une main sur la couverture.

Baltus fronce les sourcils.
— Tu veux vraiment le prendre ?

— Je ne peux pas l’ignorer, rétorque Eldon avec un mélange d’avidité et de respect. Ce genre de savoir est rare. Il vaut bien plus entre mes mains qu’ici, à prendre la poussière.

Il inspire profondément, puis saisit le livre. Rien ne se passe. Pas de tremblement, pas de piège déclenché.

Alors qu'Eldon serre son livre contre lui, soulagé de n'avoir déclenché aucun piège, Kora ne peut détacher son regard de la boule à neige. Elle s'en approche lentement, observant les minuscules détails de la réplique de Pasdhiver enfermée sous le verre.

— C’est incroyable… murmure-t-elle en tendant la main.

Sandro la fixe un instant, hésitant à l’arrêter, mais il sait que les mots seraient inutiles. Kora referme les doigts sur l’objet et le soulève avec précaution. Rien ne se passe.

— Cela me rappelle une ancienne aventure, souffle-t-elle. J’ai l’impression d’emporter un bout de chez moi.

Sandro s’arrête sur le médaillon d’or qui y repose. Il est finement ouvragé et porte une inscription gravée : "Mon souffle est tien, Kevetta – prends-le."

— C’est un objet magique, constate-t-il en sentant l’aura qui s’en dégage.

Il hésite, échange un regard avec Baltus, puis avec Mardouk, qui se contente de croiser les bras, visiblement désapprobateur. Mais si Eldon et Kora ont déjà pris quelque chose, il ne voit pas pourquoi il se priverait. D’un geste assuré, il saisit le médaillon et le range soigneusement.

Mardouk secoue la tête, clairement contrarié, mais il ne dit rien. Il n’a jamais été du genre à moraliser les autres, même s’il n’aime pas l’idée de piller une tombe.

Ils ont pris ce qu’ils estimaient utile ou significatif, et il est temps d’avancer. Sans un mot de plus, ils se dirigent vers la prochaine salle, là où les véritables épreuves les attendent.

Au milieu du couloir, une porte sans serrure ni poignée marquée du mot DOLINDAR au-dessus de l’inscription "Expulsé à Gisombre, exil éternel." Chaque lettre de l’inscription est inscrite sur un carreau distinct fixé sur le mur. Mardouk, Kora et Sandro scrutent la porte, cherchant à comprendre ce qu’ils doivent faire. Mardouk, toujours aussi observateur, remarque le mécanisme en dessous de l’inscription, un petit détail que les autres n’ont pas encore vu lorsqu'il appuie sur une lettre.

— “Je pense que ce n’est pas une simple porte… Regardez, il y a quelque chose sous l’inscription.”

Kora, curieuse, s’approche et commence à analyser les carreaux, tentant de déterminer quel mot pourrait déverrouiller la porte.

La porte émet un bruit de clic sec à chaque activation de Mardouk, et une décharge d'énergie psychique frappe le groupe, avec une vive intensité. Sandro gronde de frustration, mais il remarque rapidement quelque chose que les autres n’avaient pas vu.

— "Attendez… Je crois que j’ai compris." dit-il, en se penchant sur les lettres. "Les mots sont séparés en groupes. Il faut activer une lettre de chaque groupe, dans l'ordre."

Kora prend un moment pour réfléchir, puis appuie sur les lettres correspondantes dans le bon ordre. "ISOLE" Le mécanisme grince, les lettres s'enfoncent lentement dans la porte, et celle-ci s'ouvre.

Les héros échangent des regards satisfaits et se préparent à découvrir ce qui se cache derrière.

Sur le palier, les regards sont fixés sur le cercueil de pierre au fond de la pièce, où une silhouette humanoïde s’agite lentement. Ses membres décharnés et allongés devenus d’atroces piques osseux, tentent de frapper le groupe malgré la distance.

Le sol, quant à lui, est un véritable piège. Les lames métalliques couvrent toute la surface, scintillant sous la lumière tamisée.

Kora observe la scène avec une impatience grandissante, attendant que les tirs parviennent enfin à briser la créature. Mais la patience de la druidesse est mise à l’épreuve.

— « Assez attendu… » souffle-t-elle, ses yeux brillant d’une détermination sans faille. Elle ferme les yeux un instant, une brume l’enveloppe et la place à côté du monstre.

Elle se transforme en une imposante forme d’ours. Son rugissement résonne dans la pièce, et elle se lance dans une danse brutale de coups et de griffes. Baltus et Mardouk s’élancent également. Mardouk, fidèle à son style de combat habile, bloque les coups avec précision, tandis que Baltus apporte son soutien, frappant la créature de toute sa force. Au loin, Sandro laisse libre cours à sa puissante magie pour harceler la créature.

La créature tombe, la mort lui apportant enfin la paix qu'elle désirait tant.

Les membres du groupe se rapprochent du cercueil de pierre où le nom, "Kevetta", est inscrit sur le dessus.

Un tourbillon d'énergie argentée et violette s’élève lentement du fond du cercueil, crépitant de manière hypnotique.

Baltus s’avance prudemment vers le cercueil.

— « Nous devons savoir ce qu'il y a au bout, » dit-il d'une voix tendue avant de se jeter dans le tourbillon d'énergie. « Nous n’avons pas le choix. »

L'instant suivant, il disparaît dans l’éclat argenté et violet : où Baltus a-t-il bien pu aller ?

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✦ Le retour

Le monde autour explose soudainement dans une explosion de lumière et de couleurs. Le ciel, d’un bleu éclatant, est d’une clarté exceptionnelle, baigne tout le paysage d’une lumière douce et rassurante. La chaleur du soleil effleure leurs visages, apportant une sensation de confort après le froid glacé et l’obscurité de Gisombre. Le chant des oiseaux, joyeux et légers, emplit l’air, contrastant vivement avec le silence oppressant de l’autre côté du portail.

Sur la tombe qui vous accueille, l’inscription "De Retour à la Maison, Pour Reposer à Jamais" luit doucement.

Eldon, à vos côtés, inspire profondément, comme pour s’imprégner de cet air pur qu’il n’avait pas pu respirer depuis trop longtemps :

— « Nous sommes… enfin de retour. Vraiment de retour. »

Mais une lourde ombre plane encore, ils savent que leur mission n’est pas encore terminée. Les prisonniers restants, la menace du culte, tout cela pèse lourdement sur leurs esprits fatigués.

— « Nous devrions reprendre des forces avant de nous lancer à nouveau dans cette folie, » déclare Sandro, la fatigue se lisant sur son visage.

Mardouk secoue la tête, son regard se durcit.

— « Nous n'avons pas de temps à perdre. Ces prisonniers... ils risquent d'être sacrifiés à tout instant. Nous devons les sauver maintenant, avant que le culte n’agisse. Chaque minute compte. »

— « Allez, on y va, » répond Kora d'un ton ferme.

Puis Baltus prend la parole :

« C’est décidé. Nous finirons ce que nous avons commencé. »

Le groupe se prépare, l’adrénaline dissipant la fatigue.

À leur entrée dans la crypte, un malaise s’installe immédiatement. L’image de Vecna, qui décorait la porte, a disparu, effacée comme par magie, laissant une surface de bois lisse et inerte.

Kora frissonne, et l’odeur de terre retournée semble envahir ses narines. Sandro entend ce même rire glacial résonner dans sa tête, moquerie sourde venant des profondeurs de son esprit. Baltus sent à nouveau ses poils se hérisser, une sensation de froid glacial s’emparant de lui, Mardouk, quant à lui, ressent ce frisson le long de sa colonne vertébrale.

Avançant prudemment, ils remarquent que tout a changé. Le sarcophage de Sarcelle Malinosh est maintenant scellé comme s’il n’avait jamais été perturbé. La pièce adjacente, où traînaient des fournitures, est désormais vide.

En poursuivant leur exploration vers le sud, ils découvrent deux corps. Un gnome, défiguré par la terreur, et une femme vêtue de riches habits reposent sur le sol, une marque circulaire, semblable à une brûlure, orne leur main.

En fouillant plus profondément, ils réalisent que tout a été méticuleusement nettoyé. Il ne reste plus de meubles, ni de livres, ni de documents. Cependant, des indices pas très subtils ne trompent pas : les vestiges des combats passés sont indélébiles.

La salle où ils avaient interrompu le rituel est également déserte. La cage a disparu, tout comme les symboles tracés au sol.

Lorsqu'ils rebroussent chemin, ils tombent sur une escouade de gardes. Le Capitaine Talen, un homme dont l’armure porte l’emblème du Seigneur de Pasdhiver, s’avance avec respect.

« Nous avons été envoyés après l’entretien avec Sarcelle Malinosh », dit-il d’une voix grave. « Le Seigneur a estimé qu’une assistance supplémentaire serait nécessaire, d’après ce que la rescapée nous a raconté. »

Sandro prend la parole :

— « Tout a été nettoyé, les disparus ont été retrouvés. Vous n’avez plus à vous inquiéter de ce côté-là. Nous avons fait ce que nous pouvions. »

Baltus hoche la tête, jetant un regard vers les corps, un soupir échappant à ses lèvres.

— « Nous vous avons laissé la tâche la plus difficile… Ces corps doivent être traités avec respect. »

Le Capitaine acquiesce sans une parole de plus, ses soldats s’exécutent avec une efficacité remarquable, manipulant les corps des victimes avec soin.

Arrivés au domaine, ils sont accueillis dans le hall. Le Seigneur de Pasdhiver les attend.

« Mes amis, vous avez accompli ce que beaucoup auraient jugé impossible », commence-t-il d’une voix grave, mais émotive. « Vous avez mis fin à une menace plus terrible que nous ne l’aurions imaginé, et vous avez rendu à Pasdhiver sa sécurité. Les Vecniens qui vous ont défiés ne sont plus, et cette crypte n’est plus qu’un souvenir de l’horreur passée. »

À l’instant où il prononce le nom du Dieu des Morts, chacun ressent à sa manière l’ombre oppressante de la divinité maléfique : un rire moqueur dans l'esprit de Sandro, l'odeur de terre retournée pour Kora, une présence glacée pour Baltus, et un frisson mortel pour Mardouk. Le Seigneur semble ne pas remarquer leur trouble.

Mardouk prend la parole, le regard tourné vers le Seigneur de Pasdhiver :

« Il est vrai que deux vies ont été sauvées grâce à nos actions, mais il faut aussi reconnaître que deux d’entre eux sont morts. »

Le Seigneur de Pasdhiver reste impassible avant de répondre :

« Vous avez raison, Mardouk, deux d’entre eux sont tombés. Mais ces pertes ne doivent pas occulter la vérité : ces mêmes deux ont été secourus grâce à vos actions. Vous avez fait ce que beaucoup n’auraient pas osé tenter, et grâce à vous, nous avons pu récupérer leurs corps. Vous n’êtes pas les responsables de cette tragédie, vous êtes la raison de leur retour parmi nous. Soyez assurés que grâce aux connaissances que nous possédons ici, il sera possible de les ressusciter. Pasdhiver compte parmi ses rangs des mages et des prêtres capables d’effectuer ces rituels. Vous les reverrez, d’ici peu. La ville ne vous oubliera pas. »

Il marque une pause et un sourire sincère se dessine sur son visage.

« En reconnaissance de vos exploits, je vous fais un cadeau digne de votre bravoure et de votre dévouement. Comme promis, chacun d’entre vous recevra une maison à Pasdhiver. Vous y trouverez non seulement un toit, mais aussi une position au sein de la ville pour aider à son développement et à sa sécurité. Vous avez mérité ce qui vous est dû. Vous serez toujours les bienvenus ici, et vos actions ne seront jamais oubliées. »

Le Seigneur fait un signe de la main, et un serviteur s’avance, portant des clés forgées en fer noir, décorées du sceau du Seigneur. Une à une, il leur remet une clé, symbole de leur nouvelle demeure et de leur place dans l’avenir de Pasdhiver.

« Quant à Eldon… il a été pris en charge pour des interrogations magiques, afin de sonder ses souvenirs. Nous devons nous assurer qu’il n’y a pas d’informations cruciales que vous pourriez ignorer. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour qu'il se remette complètement de son expérience. Mais pour le moment, il est mieux pris en charge séparément. »

« Vous avez fait plus que ce que l’on attendait de vous. Désormais, vous êtes libres de disposer de vos maisons et de commencer votre nouvelle vie ici, à Pasdhiver. Que vos pas vous mènent vers un avenir prospère. »

Chacun d'eux acquiesce respectueusement avant de se retirer. Ils se dirigent vers leurs nouvelles demeures, leurs pensées partagées entre la satisfaction d’une mission accomplie et l’incertitude de ce que l’avenir leur réserve, l'ombre du culte plane toujours.

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