Chapitre 3: Le plan astral

Le Plan Astral

premier pas

la partie centrale

la proue

Le chateau arriére

le second fragment

Le Plan Astral

Dans la vaste bibliothèque du sanctuaire, les trois archimages sont réunis autour d'une table de travail, des cartes flottent autour d’eux, représentant des fragments de réalités lointaines, des plans éthérés suspendus au-delà du monde matériel.

Mordenkainen, le visage marqué par une concentration intense, feuillette un grimoire. À côté de lui, Tasha, allongée avec une nonchalance apparente sur un fauteuil lévitant, regarde d'un œil curieux la carte qui flotte devant elle. Alustriel, de son côté, est absorbée dans ses études, griffonnant sur un parchemin.

C'est Alustriel qui brise le silence: "Le fragment que vous avez trouvé nous a conduits bien loin, et cette fois, votre quête vous mène dans un domaine aussi fascinant que périlleux : la Mer Astrale."

Mordenkainen lève enfin les yeux de son livre, l'air grave. "La Mer Astrale... Un endroit où le temps lui-même perd toute signification. Là-bas, vous ne vieillirez pas, vous ne ressentirez ni faim, ni soif… mais ne vous y trompez pas. Ce n’est pas une bénédiction. Ceux qui s'y perdent trop longtemps… finissent par se dissoudre dans l'oubli. C’est un vide infini, où seuls les fous et les sages osent s’aventurer."

Tasha, s'étirant paresseusement, laisse échapper un rire léger. "Oh, l’ennui éternel dans l'immensité vide ? Quel supplice ! Mais il y a des distractions intéressantes dans cette mer… Des pirates qui filent à travers l’infini, des créatures invisibles qui traquent leurs proies dans le silence, et bien sûr, des dieux déchus errant comme des épaves cosmiques." Elle incline la tête avec un sourire espiègle. "C’est tout de même un endroit fascinant, n'est-ce pas ?"

Alustriel fait apparaître une carte tridimensionnelle, ses mains dessinant des cercles dans l’air avec une concentration intense. "C’est précisément sur l’un de ces dieux déchus que repose votre fragment. D’après nos recherches, il se trouve près du corps pétrifié de Havock, une entité ancienne autrefois vénérée avant de sombrer dans l'oubli."

Mordenkainen hoche la tête, l’expression sombre. "Havock… un titan brisé, errant éternellement dans la Mer Astrale. On raconte qu’il possédait huit jambes et deux têtes, chacune couronnée d’un œil unique. Mais avec la disparition de ses adorateurs, son corps s'est disloqué. Ses membres et ses têtes dérivent désormais, comme des îles perdues, flottant dans cette mer d'argent."

Tasha sourit. "Et c’est là que ça devient intéressant. Votre morceau de sceptre… Eh bien, il est quelque part enfoui dans cette masse de roche céleste. Je parie qu’une créature bien sympathique en a fait son trésor personnel !" Elle secoue la tête en se levant de son fauteuil flottant, jetant un dernier regard vers la carte qui flotte encore devant elle.

Alustriel soupire légèrement "Le portail que nous allons ouvrir grâce à votre fragment et à la magie du sanctuaire de Sigil vous guidera vers la région où se trouve Havock. Mais… sachez-le, la Mer Astrale n’est pas un endroit pour se reposer. Vous devrez affronter bien plus que le vide pour récupérer ce fragment."

Mordenkainen, dont les sourcils se froncèrent davantage, regarde les aventuriers avec une gravité accrue. "Pour voyager là-bas, il y a deux options : un vaisseau transplanaire, un navire magique propulsé par l’énergie magique… ou, pour les plus audacieux, la force de votre propre esprit. Sur le Plan Astral, votre intelligence devient votre seul moyen de locomotion."

Tasha, un sourire malicieux sur les lèvres, ajoute, "Ce qui signifie que les idiots se déplaceront beaucoup plus lentement ! C’est tragique, vraiment."

Tasha, manifestement excitée par la perspective de l’aventure, claque des doigts et, dans un éclat scintillant, un portail magique s'ouvre soudainement à côté de la table. "Et voilà votre passage. Direction la Mer Astrale ! Essayez de ne pas vous perdre…"

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premier pas

Encordés les uns aux autres, Sandro en tête, Mardouk, Baltus et Kora franchirent le portail. En un instant, la réalité s’effondre. Ils tombent dans un vide argenté, où le haut et le bas n’ont plus de sens. Leur corps flotte dans cet océan nébuleux, parcouru de lumières semblables à des étoiles mourantes. Puis, les nuages s'estompent.

Là, en contrebas, l’impensable : une masse gigantesque dérive dans l’éther — le torse brisé d’une créature ancienne et oubliée, autrefois vénérée : Havock. Le fragment du sceptre, porté par Korazora, se met à vibrer, guidant le groupe vers un éclat caché au cœur de cette carcasse stellaire.

Deux sphères de lumière s’approchent lentement, hypnotiques. Sandro, fasciné, dérive vers elles, absorbé par une curiosité irrésistible. Il ne sent plus la corde ni la voix de ses compagnons.

Kora, réactive, le retient juste à temps.

À travers les nuages, deux gigantesques baudroies stellaires glissent vers eux usant de leur lumière comme d’un hameçon. Leur vol est lent mais inéluctable.

Sandro serre les poings, déterminé à se battre. Mais les voix de ses compagnons se font entendre : « Pas maintenant ! »

Mardouk, Kora et Baltus ont déjà pris leur décision : il faut fuir.

La corde nouée à la taille de Sandro se tend brutalement. Il est arraché en arrière, projeté à reculons dans la fuite du groupe, alors même que son incantation touche à sa fin. Il hurle un mot de pouvoir, tend le bras vers les baudroies.

BOUM.

Une boule de feu éclate dans la gueule béante de l’une des créatures.

Profitant du chaos, Sandro fend l’éther avec grâce, guidé autant par la magie que par la volonté. Il rejoint ses compagnons, porté par la seule force de sa détermination.

Sous leurs pieds, Havock les attend. Son squelette forme une cathédrale brisée dans le vide : des côtes géantes s’élèvent au-dessus d’une colonne vertébrale moussue, et l’air crépite de magie mourante. Dans les os gît l’épave d’un grand galion, brisé en trois morceaux : la poupe dans le bassin de la créature, la section tribord dans la cage thoracique, et la proue dans ce qui fut jadis son cœur.

Le fragment du sceptre pulse plus fort : le prochain morceau repose là, parmi les décombres d’un autre temps. Mais avant cela, le groupe doit choisir : fuir les baudroies stellaires ou les affronter.

Puis, soudain, la gravité change.
L’éther devient lourd, l’air plus dense.
Leur chute recommence.

Sandro, toujours prompt, incante une foulée brumeuse en plein vol. Son corps se dissipe dans un nuage de vapeur… mais le sort déraille. La magie mourante, émanant du cadavre titanesque d’Havock, altère l’incantation. Au lieu d’atterrir près de ses compagnons, Sandro est projeté dans une zone isolée du galion, un recoin sombre et désolé de l’épave.

Et il n’est pas seul.

De leur côté, ses compagnons ont plus de chance. Les trois héros s’écrasent lourdement sur la proue du navire.

Sous leurs pieds, le bois vibre au rythme d'un cœur colossal, mi-organique, mi-minéral, dans lequel Le mât brisé du galion s’est enfoncé, le ransperçant et bloquant l’accès à l’une des deux cabines. Autour de sa base, des voiles translucides pendent en lambeaux.

Mardouk et Baltus, les deux guerriers, se relèvent aussitôt et fouillent les environs. Kora reste en retrait, tentant de percer l'origine d ela disparition de Sandro.

Mardouk active son pouvoir de voir l’invisible… en vain. Il s’apprête à abandonner, quand il s’arrête net. À travers la brume, à une cinquantaine de mètres, une silhouette leur fait signe.

Pas de doute. C’est l'ombre de Sandro.

Un soulagement traverse Mardouk, aussitôt remplacé par une résolution farouche.

— Là-bas. dit-il simplement, en désignant la silhouette.

Sans hésiter, les trois compagnons se rassemblent et s’élancent vers le pont central du galion. Leur priorité est claire : retrouver Sandro, coûte que coûte.

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La partie centrale

Sandro, au lieu d’atterrir auprès de ses compagnons, se matérialise brusquement dans une salle close, baignée d’une lueur verte surnaturelle.

Autour de lui, des racines forment deux murs denses et noueux. Le sol est couvert de débris organiques et de poussière stellaire

Suspendues dans les airs, cinq? créatures hideuses — des grells, cerveaux flottants aux tentacules barbelés et aux becs cliquetants — planent silencieusement entre les racines.

Mais alors qu’elles pivotent vers Sandro, attirées par son apparition, un mur de branches striées de veines rougeoyantes jaillit soudainement devant lui, le protégeant de leur assaut.

Une voix résonne :

— Ne crains rien, petit aventurier. Je te protège. Je suis Rougebourgeon, et tant que tu restes près de moi, tu es en sécurité.

Sandro, d’abord interloqué, répond avec respect. Il se présente, et explique que ses compagnons — Kora, Baltus et Mardouk — sont en route pour le retrouver. Il les décrit brièvement, ajoutant qu’ils sont puissants mais bien intentionnés.

La voix répond :

— Tu n’es pas le seul que je protège, Sandro. Un précieux ami repose ici, à l’abri dans mes racines. Lorsque tes compagnons viendront… dites-leur de faire preuve de sagesse. Épargnez-le. Ne laissez pas vos sorts tout ravager. Ici, la vie tient à peu de chose…

Derrière le mur végétal, les grells piaillent et glissent dans l’air, incapables d’atteindre leur proie.

Sandro se sait piégé et protégé à la fois, dans un sanctuaire végétale. Mais il n’est pas seul — ses amis approchent.

Il guette leur arrivée, prêt à signaler sa position dès qu’il apercevra une silhouette familière; il a déjà préparé son sort de projectiles magiques, décidé à tenir sa promesse envers le sylvanien.

Mentalement, il ordonne à son ombre de mimer un message. Il espère seulement que ses compagnons le comprendront à temps.

Mardouk, Baltus et Kora progressent à vive allure à travers les os colossaux de la créature céleste.

À une dizaine de mètres, la silhouette de Sandro gesticule en silence. Tous trois ralentissent et observent ses mouvements.

Il pointe le sol, ouvre la main, montre cinq doigts, puis croise les bras en X devant lui.

Baltus fronce les sourcils. — Cinq… prisonniers ? En dessous ?

Mardouk acquiesce. Kora avance.

Devant eux, au sommet de la chaloupe brisée, un arbre majestueux s’élève à même les décombres. Ses racines s’enfoncent dans les interstices du bois éclaté, épousant les courbes brisées de la coque comme une seconde peau. L’écorce est marbrée de rouge profond, et ses fleurs écarlates vibrent doucement, comme si elles respiraient.

Ils s’approchent discrètement, armes en main, conscients qu’un danger rôde peut-être tout près.

Alors qu’ils atteignent le pont, une voix résonne — douce, profonde — semblant surgir à la fois des racines, du bois et de l’air lui-même : — Oh, oh… Doucement, petits aventuriers.

Les branches frémissent. — Il vaut mieux ne pas descendre là-dessous. De sombres créatures rôdent, affamées, cruelles. Peut-être vaudrait-il mieux faire demi-tour ?

Un instant de silence. Puis la voix reprend, plus chaleureuse : — Mais… vous êtes les compagnons de Sandro, si je ne me trompe pas. Il m’a dit que vous arriviez.

Kora plisse les yeux, intriguée. Elle reconnaît alors la nature de leur interlocuteur : un Sylvanien. Une telle créature, ici ? Elle n’en croit pas ses sens.

Je suis Baltus Ferguson. Nous sommes effectivement à la recherche de notre compagnon, Sandro. Où est-il ?

Il est à l’abri, dans mes racines, répond la voix. Voyez-vous… six prédateurs guettent en bas. Je l’ai isolé pour le protéger.

Mardouk s’avance, méfiant. — Quelles créatures ? demande-t-il.

Six horreurs. Des prédateurs aériens, perfides et voraces. Je vous assure, ce n’est pas une plaisanterie. Ceux qui descendent… ne remontent pas. Je protège l’entrée pour son bien. Et pour celui de mon ami. Ikasa… Mon précieux ami est piégé dans la cale. Les créatures rôdent, prêtes à le dévorer. Mes racines sont son rempart.

Kora invoque son gourdin magique, prête à en découdre.

Nous allons descendre et nous occuper de ces viles créatures !

Pour la justice ! proclame fièrement Baltus.

Libérez nos amis. Mais prenez garde… Ces monstres sont aussi rusés que voraces, souffle l’arbre.

Les racines s’écartent, libérant l’ouverture vers la cale. Baltus s’élance le premier dans l’ouverture, sa lame bien en main.

Mardouk le suit, plus prudent. Son bouclier est levé, son regard braqué vers le fond. Des bruits de succion et des frottements d’appendices visqueux résonnent dans l’obscurité.

Kora reste en retrait, attentive à leur descente… et au moindre frémissement suspect.

À peine Baltus et Mardouk ont-ils posé le pied sur le sol de la cale que les grells attaquent. Un éclair magique fend la salle. Un trio de projectiles étincelants siffle dans l’air et transperce l’un des monstres.

Sandro surgit derrière un mur végétal :
— Je suis ici, faites attention !

Baltus hurle en brandissant sa lame :
— Vermines ! Pour la justice !

D’un revers brutal, il tranche l’un des grells en deux, l’épée fendant la chair visqueuse comme du beurre.

Mardouk suit, impitoyable. Son épée tranche les créatures avec une précision et une puissance dévastatrice. Le gourdin de Kora s’abat avec une violence bestiale sur l’un des cerveaux volants, l’écrasant contre le sol dans une gerbe d’ichor noir.

— Un… deux… trois… grogne Baltus en pivotant pour enchaîner.

Une flèche de feu déchire l’air, engloutissant un grell dans une tempête de flammes. Les racines de Rougebourgeon, étrangement, s’écartent juste assez pour laisser passer la déflagration sans qu’elle touche l’arbre.

En quelques instants, le combat se termine.

Le sol est jonché de chair méconnaissable, d’éclats chitineux, et de sang sombre. Les grells n’ont pas résisté à la furie conjuguée de l’acier, de la magie et de la volonté.

Rougebourgeon rétracte lentement ses racines noueuses dans un bruissement organique. Sandro émerge de l’abri végétal, visiblement secoué.

— Quelque chose perturbe la magie ici, halète-t-il. Mes pas brumeux… ils n'ont mené ici…

— C’est la magie de téléportation, il ne faut pas s'en servir ! dit une voix inconnue dans l’ombre, trahissant une présence que personne n’avait encore remarquée.

Dans une petite pièce adjacente — le canot brisé — un éclat rouge-brun bondit au centre du campement de fortune. Un chien vif et élégant, au poil luisant, jaillit avec joie, ses grandes oreilles dressées et ses yeux pleins d’enthousiasme.

Un collier de cuir aux cristaux lumineux scintille à son cou.

Le chien s'arrête net en vous voyant, puis, d’une voix claire et joyeuse qui résonne directement dans vos esprits, il déclare :

— Je m'appelle Ikasa, et vous devez être ceux dont Rougebourgeon parle. Vous êtes venus me sauver ! Vous allez me conduire à mon maître ???

Le groupe se regarde, décontenancé. Kora, elle, craque pour ce chien trop adorable qui s'empresse de lui sauter dessus.

— Qui est ton maître ?

— Daveras... Vous connaissez Daveras ? C'est... c'est un elfe. Mon meilleur ami. J’ai hâte de le retrouver...

Kora s’accroupit doucement, posant une main sur sa tête, l’air attendri.

— Daveras est un elfe ? Que t’est-il arrivé, Ikasa ?

Le chien bondit légèrement sur place, comme s’il racontait une histoire cent fois répétée.

— C’était une croisière ! Magnifique ! Le ciel, la mer, les étoiles ! Et puis… Il s’arrête, oreilles rabattues un instant, puis reprend :

— Des pirates. Ils ont attaqué notre navire. Le feu, les cris… On a fui ! Daveras, un bourgeon — enfin, une petite pousse — et moi, on est montés dans une pirogue. Mais elle s’est écrasée ici.

— On a été séparés. Mais Rougebourgeon m’a protégé. Il est très sage, très gentil. Je ne voulais pas utiliser ma téléportation, l’endroit… il est tordu, mauvais pour la magie.

Ikasa trottine joyeusement entre les jambes des aventuriers.

— Mais maintenant que vous êtes là… vous pouvez me ramener à Daveras ? Je suis sûr qu’il m’attend, quelque part. Il m’attend toujours.

Un silence émouvant tombe un instant sur l’épave.

— Nous allons retrouver ton maître ! Pour la justice !

Tandis que le chien Ikasa partage son histoire, Sandro s’éloigne lentement.

— Merci, noble Sylvanien. Ta protection m’a sauvé la vie. Si tu le permets… Je pourrais recueillir l’un de tes bourgeons. Te porter hors de cet endroit, te planter loin de cette épave, là où la lumière revient.

— Non, petit mage. Je suis là où je dois être. Ici, mes racines protègent encore. Je n’ai rien à craindre… tant que le chant de la sève me guide.

Un silence s’installe. Puis Sandro incline une dernière fois la tête, et retourne vers ses compagnons.

Explorant le reste de l'épave tous ensemble, ils pénètrent dans l’étude du vaisseau. Les murs sont couverts d’étagères remplies de livres. Un bureau de séquoia massif occupe le centre de la pièce, couvert de parchemins vierges.

Sandro, avec l'accord de ses compagnons, décide de procéder à un rituel de détection de la magie, ses doigts dessinant des courbes invisibles dans l’air…

Sandro s’avance, les yeux mi-clos, sa détection de la magie vibrant toujours en lui. Et là, il la sent : une rune de protection, gravée à même le mur, juste au-dessus du bureau. Son éclat est invisible a l'oeil nu mais encore active.

Il remarque aussi un volume particulier : "Dissertations sur l’Esprit Abscons". L’intérieur irradie de magie. Ses pages sont fausses, son poids anormal. Il s'agit en fait… d’un coffre dissimulé.

Il appelle doucement Kora, qui tente de crocheter le mécanisme dissimulé entre la reliure et la tranche — clac. Un cran saute. Mais un second résiste. Une fausse manipulation et le livre se referme, verrouillé de nouveau. Kora jure doucement, puis le range dans son sac, résolue à l’ouvrir plus tard.

Sandro observe encore un instant la rune, songeur.

— J'ignore ce que cette rune protège, mais il serait bon de la lever. Mais je n'ai pas révisé Dissipation de la magie…

— Je m'en occupe, intervient Kora, qui commence à incanter.

La rune se désactive et le groupe se met à chercher sur le mur de l’étude un éventuel passage ou cachette, mais rien…

— Il doit s'agir d'un mécanisme de protection lié à une autre partie du vaisseau… marmonne Sandro.

Le groupe, accompagné d’Ikasa, retourne vers l’avant du vaisseau.

C’est alors qu’un cri perçant déchire l’air. Un cri humain. Celui de Sandro, qui, en queue de peloton, est mis à mal par deux Musards Nocturnes, silhouettes cauchemardesques de requins volants.

Un éclair de rage passe dans les yeux de Mardouk. Sans un mot, il bondit en avant, brandissant son épée tel un ouragan d’acier.

Sandro saigne d’une plaie béante à l’épaule. Mais ses yeux brillent d’une détermination sans faille. Dans un souffle rauque, il incante les mots anciens, sa voix chargée de magie noire.

Un cercle de mort s’étend brutalement depuis ses pieds, une onde ténébreuse qui pulse dans l’air, tordant l’espace autour d’elle. Les Musards Nocturnes, frappés de plein fouet par l’énergie nécrotique, poussent un cri distordu, déchirant.

Gravement blessés, la chair dévorée par la magie, les deux prédateurs nocturnes fuient en s’enfonçant dans les brumes astrales.

Baltus se précipite auprès de Sandro, incantant déjà un sort de soins tandis que Kora s'interpose, arme au poing, en gardien vigilant.

Quelque chose rôde… et ce n’est peut-être que le début.

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la proue

Le groupe escalade l’avant du navire. Sandro en profite pour faire le tour du vaisseau, à la recherche de son nom : le Zéphir Foudroyant… non, le Zénith Flamboyant… ou était-ce le Zèbre Flatulant ? Pas facile de déchiffrer le nom abîmé lors du crash...

Baltus plisse les yeux et se dirige vers la porte encore accessible — celle des quartiers du capitaine — d'apres la plaque. Il attrape la poignée, tente de pousser… verrouillée.

— C’est bloqué.

Sans attendre, il recule d’un pas, lève une botte… et donne un énorme coup de pied dans la porte. CRAC ! La serrure cède dans un fracas sec, et la porte s’ouvre brutalement, manquant de peu de dérailler de ses gonds.

— Baltus ! Attends, y’a du bruit à....—, lance Kora.

Mais c’est trop tard.

Des vêtements froissés sont jetés sur le dossier des chaises, un manteau d’officier repose à moitié replié sur un fauteuil. Des livres ouverts couvrent le bureau et les étagères. Une lanterne cristalline diffuse une lumière douce et vacillante, projetant des ombres tremblantes sur les murs.

Et là, au fond de la pièce, une déva : une créature céleste d’une beauté farouche. Une aile blanche immaculée, bien que froissée, se déploie partiellement derrière elle. L’autre semble absente.

Elle est assise, les bras croisés. Sa jambe droite est une prothèse : mélange de bois précieux, de métal forgé et de gravures runiques anciennes.

Et … elle la pointe directement vers Baltus.

Sa voix résonne dans la pièce :

— Alors, vous voilà. Des pillards, je suppose ? Ou peut-être des chercheurs de trésor ? Qu'est-ce que vous cherchez ici, exactement ?

Le ton est tranchant, mais pas hostile. Elle jauge, elle observe.

Baltus s’était attendu à tout — sauf à ça.

— …Par Torm… Une déva ? Je… euh… pardon pour la porte. Je suis Baltus Ferguson.

Il baisse les yeux un instant, puis se redresse, un peu penaud mais sincère, rangeant son arme avant de faire une légère révérence maladroite, comme un soldat rattrapant une faute.

Sandro, derrière lui, écarquille les yeux à son tour. Il ne perd pas de temps : tendant la main vers la serrure éclatée, il murmure une incantation douce, presque comme une excuse.

— Mecanica reparatura…

Un souffle d’énergie bleue remonte les bords brisés du bois, et la serrure se reforme, restaurée, comme si rien ne s'était passé. Il lève les yeux vers la déva avec un hochement de tête respectueux.

Kora s’avance, croisant les bras. Une seule aile ? Mais où est donc passée la deuxième ?, songe-t-elle.

Mardouk, d'une voix grave :

— Je suis Mardouk. Nous venons de Pasdhiver. Nous sommes ici pour une mission… que je ne saurais qualifier autrement que sacrée.

Puis Sandro prend la parole :

— Nous avons été envoyés par trois archimages : Mordenkainen, Tasha, et Alustriel… Oui, ceux-là. Notre but est de retrouver un artefact d’importance vitale. Quelque chose qui pourrait basculer le destin des Royaumes — et bien au-delà.

Le ton est toujours aussi tranchant, mais plus calme, alors que la déva se redresse lentement.

— Alors, des pillards de trésors, mais déguisés en champions des archimages ? Je suis Inda Malayuri, capitaine du Zéphir Flamboyant, et vous êtes à bord de mon vaisseau.

Le groupe explique alors plus en détail son aventure et comment ils se sont retrouvés dans la mer astrale.

— Je vous ai écoutés. Et je vois que vos intentions sont sincères. Le nom de Torm gravé sur ton armure, paladin… cela ne ment pas.

Elle soupire, puis indique d’un geste lent la cloison derrière elle.

— Le fragment est bien ici. Mais il est en sécurité. Il repose dans la salle forte. Elle est scellée par deux runes de protection invisibles.

Kora, silencieuse jusqu’ici, observe les plumes froissées de l’aile manquante. Une déva avec une seule aile ? C’est une chose qu’elle n’a jamais vue. Elle serre les dents, hésitant à poser la question.

Pendant ce temps, Sandro fronce les sourcils.

— Nous avons déjà désactivé la rune de l'étude en la dissipant.

La déva arque un sourcil à la déclaration de Sandro.

— Vous avez déjà désactivé l'une des runes ? Voilà qui est… inattendu. Peu peuvent même les percevoir sans aide.

Son regard glisse sur la lanterne de révélation qu'elle avait prévu de leur remettre.

— Alors vous êtes peut-être plus capables que je ne le pensais. Il reste une rune, incrustée dans la cloison du château arrière, juste au-dessus de la tête de mon lit. Active, elle empêche l’ouverture de la salle forte.

Je ne peux pas vous y accompagner, je dois rester ici. Je dois protéger ce qui se trouve dans la salle forte. Mais si vous trouvez d’autres survivants de l’équipage, dites-leur que je suis en vie. Je ne peux leur porter secours, pas tant que je n’aurai pas la certitude que rien ne tombera entre de mauvaises mains.

Elle prend une longue inspiration avant de conclure.

— Trouvez la seconde rune. Désactivez-la en prononçant les mots : "La lune chante une chanson pour les perdus."

— Merci pour votre aide, vous pouvez compter sur nous pour prévenir votre équipage et leur transmettre le message. De combien d'hommes et de femmes parlons-nous exactement ?

— Mon équipage comptait une trentaine de valeureux marins, prêts à défendre une cause noble et juste, sillonner le plan astral pour endiguer la piraterie. Cet artefact nous permettant de nous déplacer plus vite, mais nous avons échoué ici...

Elle s’arrête brusquement, un léger voile de tristesse dans ses yeux.

Le groupe s'approche de la sortie de la cabine du capitaine.

— Une dernière chose… Faites attention aux baudroies stellaires. Elles attirent leurs proies avec une lumière douce et apaisante.

Kora, visiblement absorbée par la pensée de l’aile manquante d’Inda, fronce les sourcils en écoutant les conseils. L’absence d’une aile la trouble profondément. Ce n'est pas la première fois qu'elle croise des créatures célestes, mais une déva démunie d'un seul de ses attributs divins…

— Les musards nocturnes frappent souvent sans avertir. Leur approche est rapide et brutale. Vous les rencontrerez peut-être dans les airs, mais ils préfèrent frapper quand vous ne vous y attendez pas.

Kora secoue la tête pour se concentrer sur les mots d'Inda. Sandro, plus pragmatique, enregistre chaque détail dans son esprit pour mieux se préparer aux rencontres à venir. Il échange un regard avec Baltus.

— Enfin, les manteleurs. Ces créatures à la silhouette élégante et sinistre. Elles ressemblent à des raies mantas, mais ne vous y trompez pas… Leur visage humanoïde cache une intelligence froide et cruelle.

Kora, perdue dans ses pensées, semble faire peu de cas des recommandations de la Déva. L’image de l'aile brisée d’Inda tourne en boucle dans sa tête. Qu’est-il arrivé à la déva pour qu’elle perde une partie de son essence céleste ? Qu’est-ce qui aurait pu la déchirer de cette manière ?

Le groupe poursuit sa route, le regard fixé sur l'horizon. Ils scrutent le ciel, leurs regards furetant les cieux à la recherche de toute menace. Les musards nocturnes sont visibles en retrait, surveillant silencieusement, mais ne semblent pas vouloir attaquer… pour l'instant.

Alors que le groupe repasse devant la partie centrale du vaisseau, ils aperçoivent le Sylvanien. Il semble plus petit, plus discret. Baltus, observant cette transformation, se fige un instant, une lueur d'inquiétude traversant son regard.

—Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi a-t-il rétréci comme ça ? Est-ce un danger ?

Sandro, toujours aussi pragmatique, remarque immédiatement l'angoisse dans la voix de Baltus. Il secoue la tête d'un air rassurant.

—Ce n’est rien. Le Sylvanien a simplement retrouvé son apparence naturelle. Avant, il prenait une forme plus grande et imposante pour se préparer à ce qui était à venir, mais maintenant… il n’est plus dans un rôle de défenseur. Il est tout simplement redevenu ce qu’il est vraiment.

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Le chateau arriére

Le groupe s’approche enfin du château arrière du vaisseau.

Kora, à l’affût de tout ce qui pourrait être utile, aperçoit quelque chose au sol.

Un manteau en cuir noir, d'une qualité impeccable, gît là, immobile, presque comme s'il attendait d’être trouvé.

Intriguée, elle se dirige rapidement vers l'objet et saisit le manteau.

Avant qu’elle ne puisse réagir, il s’anime, se repliant autour d'elle. La créature, un manteleur, s’enroule autour de son corps et engloutit son visage.

Le groupe réagit immédiatement. Baltus et Mardouk dégainent leurs épées et frappent avec force, tentant de découper la créature. Mais dans la précipitation, ils ne réalisent pas que leurs coups frappent aussi Kora, qui est toujours enserrée dans la créature.

Sandro, paniqué, invoque son sort de flétrissement pour tenter de neutraliser la créature. Le sort frappe aussi bien le manteleur que Kora. Les flammes sombres de l’énergie nécrotique touchent les deux adversaires. La créature vacille, Kora, elle aussi sur le point de sombrer dans l'inconscience, comprend qu'elle n'a plus de choix.

Dans un dernier acte désespéré, elle se transforme en ourse polaire. Elle s’extirpe avec une force brutale de l’étreinte du manteleur, qui, pris au dépourvu, s’enfuit dans les ombres.

Le groupe continue son chemin vers l'épave, où les voiles dorées flottent tristement au gré du vent.

Deux silhouettes se détachent au loin : des humanoïdes armés, postés en sentinelles. Leur corps émacié, leur peau, d’un jaune pâle teintée de nuances verdâtres, rappelle quelque chose de dérangeant. Les crânes longs et anguleux, les yeux enfoncés, les nez aplatis, ainsi que les oreilles pointues et dentelées laissent rapidement comprendre qu'ils sont des giths.

À leur approche, ysan, l’un des gardes, incline légèrement la tête dans un salut formel.

— Eh bien, voilà une surprise. On voit peu de voyageurs ces derniers temps. Vous êtes perdus ou juste incroyablement téméraires ?

Zastra fixe le groupe d’un air méfiant.

— Déclarez vos intentions. On ne laisse pas n’importe qui déambuler sur notre pont.

La tension se dissipe un peu lorsque les héros expliquent être là sous les ordres du commandant. Bien que méfiants, ils acceptent de les faire monter à bord, Kora préfère rester en retrait, toujours sous sa forme d'ours polaire.

Une fois à bord, ils interrogent les gardes sur le nombre d’équipiers restants et transmettent les instructions du capitaine. Lysan répond d'un ton teinté de mélancolie.

— Nous ne sommes plus qu'une dizaine. Nous avons perdu une partie de l’équipage lors du crash. Et récemment, les attaques des manteleurs ne cessent de décimer nos rangs.

Après avoir demandé l'emplacement de la chambre du capitaine, ils apprennent que Figaro, le premier maître du vaisseau, s’est enfermé dedans depuis quelque temps, sombrant peu à peu dans la folie.

Baltus, toujours pragmatique, hausse les épaules d’un air indifférent, un sourire en coin.

— Une porte, ça se défonce.

Mais le groupe n'a guère le temps d’approfondir le sujet, une nouvelle silhouette fait son apparition. Ilren, un giff — un humanoïde massif avec une tête d'hippopotame — vêtu d’un manteau rouge éclatant, fait une entrée remarquée, son sourire large et son attitude pleine d’entrain contrastant fortement avec la situation morose.

— Ah-ha ! De nouveaux visages ! Bienvenue, bienvenue dans notre humble camp de fortune ! Je suis Ilren, et c’est un véritable plaisir de voir d’autres âmes égarées se joindre à notre petite communauté. Je n'ose imaginer les événements qui vous ont amenés ici… Vous savez, moi aussi j’ai connu mon lot d’ennuis.

Un aventurier, comme vous sans doute ! J’étais en pleine expédition audacieuse quand, malheureusement, mon esquif s’est écrasé ici, et pouf ! Tout perdu. Alors j’ai décidé de me retrousser les manches et de faire de mon mieux pour aider ces braves gens.

— Mais, vous devez être fatigués, ou du moins éprouvés par votre voyage. Je vous en prie, allez vous reposer, détendez-vous et faites connaissance avec vos compagnons d'infortune ! Ce n’est pas le grand luxe, mais au moins, nous avons un toit, non ?

Il prend alors à part Lysan et Zastra dans un coin.

— Alors, qu'en est-il de la situation ? Les manteleurs sont toujours aussi nombreux et agressifs ? Les autres menaces ? Je veux savoir où nous en sommes, les gars. Il faut être prêts à tout, on ne sait pas ce qui peut surgir.

Sandro et Baltus, concentrés sur la discussion, ne remarquent pas Ikasa qui s’avance entre les deux gardes. il trottine, ses oreilles frétillant d’excitation. En un instant, Ikasa franchit le seuil du mess, suivi par Mardouk.

Dans un coin, un elfe joue avec des cartes, la mine lasse. À l'apparition du chien, ses yeux s’ouvrent en grand de surprise. Il se redresse brusquement, renversant sa chaise, et laisse échapper un cri d’étonnement.

— Par tous les astres… Ikasa ?!

— Daveras !!!! Le chien bondit sur lui et renverse l’elfe, qui rit de bon cœur en serrant Ikasa contre lui, reconnaissant la créature qui lui est chère.

— Tu es vivant… Je pensais t’avoir perdu, mon vieux.

— Cet homme et ses compagnons m'ont sauvé et bravé mille dangers !

Ikasa raconte alors son histoire, depuis leur séparation lors du crash de la chaloupe jusqu'à leurs retrouvailles.

Levant les yeux vers le groupe qui s’est rejoint :

— Je vous dois une sacrée dette. Vous n’imaginez pas ce que ça représente pour moi. Écoutez, si vous avez besoin d’un allié dans ce merdier, vous pouvez compter sur moi. Une petite partie de cartes ?

Baltus refuse, expliquant qu'il préférerait s'entretenir avec Figaro. Daveras l'invite à s'adresser à Kycera, la cuisinière, une orque, elle le connaît bien et pourra les aider.

Les trois hommes se dirigent vers la cuisine, en suivant les odeurs des mets en préparation. En entrant, ils découvrent une grande orque en armure de cuir noir. Son visage est marqué par un tatouage doré représentant un croissant de lune qui entoure son œil gauche.

— Si vous êtes ici pour râler sur l’odeur, faites demi-tour. Si vous voulez manger, prenez un bol et faites pas d’histoires.

Elle verse une louche d’un ragoût épais et parfumé dans un récipient en métal, et fait glisser le récipient dans leur direction. En relevant le regard, elle les fixe :

— Hm. Vous n’avez pas la dégaine des types d’Ilren. Ni de ceux qui savent où ils vont. Vous cherchez quelque chose ?

Mardouk< prend un bol posé sur la table, le saisit et commence à manger. Même dans ce monde irréel où la faim et la soif n'ont plus de prise, il se surprend à savourer chaque bouchée avec plaisir.

— Nous sommes ici après avoir rencontré votre capitaine, elle nous a chargés de vous retrouver et de transmettre ses instructions. explique Baltus.

— Parlez-nous de Figaro…

— Alors la capitaine est en vie, c'est une foutue bonne nouvelle! Figaro...Ce foutu mage… Il préfère s’enfermer plutôt que de voir ce qu’il reste du Zenith. Ça m’énerve, mais on peut rien y faire. Et c'est pas faute d'avoir essayé. Mais bon on est pas non plus sans chef, Ilren a pris le relais pour le commandement, et heureusement. Parce que depuis, des créatures de la mer astrale nous attaquent fréquemment… .

Les trois hommes, de plus en plus troublés par les allusions inquiétantes à Figaro, décident de descendre les coursives jusqu'à la chambre du capitaine.

Mardouk s'approche doucement, pose la main à plat sur la porte, et frappe trois fois, posément.

— Figaro ? C'est Mardouk. Nous aimerions simplement vous parler.

Un instant de silence. Puis, soudain, une voix jaillit de l'intérieur, hurlante, éraillée, chargée de panique.

Figaro (hurlant) : — Non ! Laissez-moi ! Je vous vois ! VOUS N'EXISTEZ PAS !

Les trois hommes échangent un regard. Mardouk tente à nouveau, la voix plus calme.

— Nous venons de la part de votre capitaine, Inda Malayuri.

La voix de Figaro revient, plus aiguë, presque hystérique.

— Qui êtes-vous ? Où est le capitaine ? Qui vous envoie ?!

Un raclement sourd, comme si quelque chose était renversé à l'intérieur, précède une nouvelle rafale de paroles, décousues et troublantes.

— Des illusions ! Voilà ce que vous êtes ! Des pantins tissés par lui ! Il vous fabrique dans sa tête, comme les autres ! Nous sommes bel et bien réels, et ici pour vous aider. Laissez-nous entrer, Figaro.

Un moment s'égrène, puis Figaro ajoute :

— Le monstre vous envoie des visions, des illusions… Ce n'est pas réel !

— Nous voulons comprendre. Que vous est-il arrivé ? Qui est le monstre dont vous parlez ?

— Il vous voit. Par mes yeux. Il vous parle, à travers moi. Je ne veux plus entendre, je ne veux plus…

Puis, comme si ses pensées se dissipaient d’un coup, il reprend depuis le début, avec la même angoisse qu'avant, ignorant les mots échangés une seconde plus tôt.

— Qui êtes-vous ? Où est le capitaine ?! Je vous connais, je vous ai vus dans mes rêves ! Vous êtes des reflets, des fantômes du monstre !

Cela en est trop pour Baltus.

Il recule d’un pas, serre les poings, puis fonce brutalement contre la porte, l'épaule en avant.

Mais au moment de l'impact, un mur invisible repousse Baltus en arrière. Il grogne, chancelle de surprise. Un mur de force, semblable à celui que Sandro s'apprêtait à invoquer pour contenir le mage, protège la porte.

— Tss… le même tour que j'allais jouer…

Baltus patiente, fulminant, le regard rivé sur le seuil. Il sait que les effets d'un tel sort ne durent pas éternellement.

Mardouk reste impassible malgré le tumulte et recommence à parler, sa voix posée et grave :

— Figaro… Tu n'es pas seul. Ce que tu vois, ce que tu ressens, ce n'est pas la réalité. Ou, du moins, ce n'est qu'une partie de ce qu'il reste. Mais nous sommes là. Nous sommes réels. Et nous pouvons t'aider, si tu nous laisses faire.

Quelles que soient les tentatives de dialogue, les réponses de Figaro sont Incohérentes, éparses.
Ses cris s'étouffent par instants, puis reprennent de plus belle, sombrant toujours plus profondément dans une spirale sans fond.

Puis, comme prévu, le mur de force s’efface.

Baltus ne perd pas une seconde. Il enfonce la porte d’un puissant coup de pied. Les gonds cèdent dans un fracas métallique, et le panneau éclate contre le mur intérieur.

Il s’élance — mais à peine a-t-il franchi l’encadrement qu’un deuxième mur de force le heurte de plein fouet. Invisible, .

Une lumière rougeâtre, diffuse, s’échappe des appliques magiques encastrées dans les murs.
Les étagères d’acajou ploient sous le poids des livres, des parchemins, des cartes maritimes éparpillées.
Et là, sur le lit, un tiefling à la peau pourpre, recroquevillé contre le mur, les yeux grands ouverts.
Ils fixent un point dans le vide, un abîme que lui seul semble percevoir.

Ses doigts, aux ongles noircis, s’agrippent aux draps froissés. Il tremble. Sa respiration est irrégulière, entrecoupée de râles. Un filet de salive coule le long de sa mâchoire, ignoré.

Le groupe s’approche prudemment, aussi près que le second mur le leur permet.

— Assez perdu de temps, lâche Sandro dans un murmure. La lune chante une chanson pour les perdus…

Il tend la main, et la rune gravée s’éteint, inoffensive.

Baltus fronce les sourcils, son regard toujours rivé sur Figaro.

— C’est pas de la folie ordinaire, grommelle-t-il. J’ai déjà vu ça. C’est un sort, j’en mettrais ma main au feu. Quelque chose qui tord les souvenirs. Une peur qu’on ressasse, qu’on enferme dans une boucle. Il nous faut une dissipation. Ou une restauration. Sinon, on le perd.

— Kora, dit immédiatement Sandro, claquant des doigts. Elle pourrait. Mais… elle est restée dehors.

Sans attendre, il pivote sur ses talons et s’élance hors de la cabine. La silhouette accroupie contre la balustrade se redresse lentement à son approche.

— Kora, on a besoin de ta magie. Il faut dissiper un sort de contrôle mental.

La druidesse hoche la tête, et abandonne aussitôt sa forme d’ourse polaire.
Mais quand Sandro voit son visage, il s’arrête net.

Kora vacille. Elle tente de se redresser, fière malgré tout, mais son corps la trahit.
Son teint est blême, sa peau perle de sueur. De profondes entailles strient son flanc et son bras gauche, son épaule est noircie de brûlures là où le flétrissement l’a atteinte.

— Par les dieux… tu es blessée… souffle Sandro, abasourdi.

Il fouille à la hâte dans sa besace et tend deux fioles de soins, que Kora accepte sans discuter.
Tandis que les potions referment lentement ses plaies les plus graves, elle hoche la tête et suit Sandro, déjà en route vers la cabine.

Figaro continue de marmonner des phrases décousues, les yeux fixés sur un point dans le vide :
— Des illusions… Vous êtes le monstre… C’est lui, c’est lui… Le capitaine est mort, je l’ai vu… ou non ? Non ? Non non non…

Kora s’approche lentement, ses doigts s’illuminent d’un éclat vert pâle, chargé d’une magie bienveillante.
— Que la brume se lève, et que l’ombre quitte ton esprit…

Il vacille soudain, chancelle en arrière… Ses yeux s’ouvrent en grand. Il inspire brusquement, comme un noyé émergeant de l’eau.

Son regard se tourne vers Kora, vers Sandro, vers les autres, incertain mais lucide. Il cligne des yeux,une main sur sa tempe.
— Qu’est-ce que… Où suis-je… ? Par les Neuf Enfers… Je me souviens… souffle-t-il, la voix rauque.
— Ilren… C’est lui… Il m’a manipulé, encore et encore ! Il m’a fait croire que j’étais incapable, inutile, trop faible pour être un leader… J’ai cru que j’avais abandonné tout le monde…

Mais… non… Ce n’est pas juste ça… Il se sert de mes hommes… Vous avez ramené mes souvenirs. Vous avez ramené la vérité... Il est temps pour moi de m’occuper de mes hommes. Des rescapés. De ceux que j’ai laissés derrière. Ilren joue avec nous depuis trop longtemps. Il m’a pris mon camp, mon autorité… mon esprit. Plus maintenant. Si vous êtes ici pour l’arrêter… alors je suis avec vous.

Baltus hoche la tête gravement. Mardouk incline la tête avec calme.
— Allons nous occuper de cet Ilren.

Alors qu’ils franchissent la porte de la cabine, une odeur fétide s’insinue dans les narines. Un nuage de miasmes verdâtres se répand autour du groupe, rendant chaque respiration douloureuse.
Une voix retentit dans les ombres :
— Oh… Quel dommage. J’aimais bien ce petit jeu.

Et sans prévenir, une épée transperce Sandro une première fois. Puis une seconde frappe l’atteint en pleine poitrine, ne lui laissant à peine le temps d’ouvrir la bouche pour crier.

Un slaad funeste surgit dans la brume. Il rugit, frappé de toutes parts par Baltus, Mardouk et Kora réagissant avec une férocité maîtrisée.

Les lames s’abattent. L’ourse polaire frappe. Le monstre vacille, blessé.
Dans un dernier geste, il lève une griffe et une boule de feu explose dans le couloir exigu. Le bois craque sous la chaleur, les murs tremblent.
Et dans un claquement d’air, le monstre disparaît — téléporté, fuyant sa propre fin.

Quand la fumée se dissipe, Sandro et Figaro gisent à terre, le souffle court, leurs visages aussi pâles que les draps d’un linceul.
Baltus attrape Sandro, Mardouk soutient Figaro. Kora couvre leur retraite à travers la brume.

Sur le pont, l’équipage lève les yeux, stupéfait. Des voix s’élèvent :

— Figaro, qu’avez-vous fait ?!
— Qu’est-ce que… ?
— Par les étoiles, qu’est-ce que c’est que ce sang ?!

Kora se précipite. Des murmures magiques s’élèvent de ses lèvres. Lentement, la poitrine de Sandro se soulève à nouveau. Figaro reprend conscience, encore faible, mais lucide.

Il révèle la vérité : Ilren n’a jamais été celui qu’il prétendait. C’était un slaad funeste déguisé, un parasite psychique qui s’est nourri de leurs peurs.
Mais désormais, la supercherie est éventée.
Il conclut d’une voix ferme :
— Nous devons nous préparer. Aider la capitaine. Et en finir avec cette chose.

L’équipage hoche la tête. L’heure est venue de reprendre les choses en main.

Après un repos bien mérité, les quatre héros reprennent leur route vers l’avant du Zénith. Le calme ambiant les surprend : les manteleurs qui infestaient la zone ont disparu.

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le second fragment

Arrivés devant la porte du bureau de la capitaine, Baltus frappe cette fois avec respect.

Le groupe lui explique rapidement la situation : la rune est désactivée, une dizaine de survivants ont été retrouvés, et un slaad funeste rôde toujours quelque part. La déva incline doucement la tête. « Ce monstre n’est plus une menace. Il est apparu il y a environ huit heures, sur le pont… Je l’ai détruit. »

Sandro, méfiant, demande à voir le corps. La déva l’emmène dans une salle de navigation où un morceau de mât transperce encore un mur. Une sphère de bronze lévite lentement au centre de la pièce. Sur une table encombrée de pièces détachées repose le cadavre noir et écailleux du slaad.

A coté, une aile mécanique est posée, Inda tente de la réparer elle-même, mais son savoir théorique dépasse de loin ses capacités manuelles.

Elle remet à Sandro un parchemin de colonne de feu, en remerciement. Puis elle déclare : « Je n’ai plus rien à protéger ici. Je vais rejoindre ceux qui restent de mon équipage. L’accès vous est désormais ouvert. »

Les héros pénètrent dans la partie avant. La salle est jonchée de caisses éventrées, de tonneaux renversés. Devant eux, une double porte étincelle sous un voile de lumière. Sandro ouvre les deux portes — ils ont bien désactivé les sceaux.

Une puanteur immonde les frappe de plein fouet. La salle est dévastée. À la place, là où se dressait la proue du navire, un immense trou béant mène vers les entrailles de la bête : le Cœur de Havock.

Ils s’approchent d’un coffre renforcé au centre de la pièce… mais il est vide. le morceau a glissé ou a été entraîné dans le cœur même de la monstruosité.

Le groupe échange un regard — il va falloir descendre.

Sandro s’avance sans hésiter vers l’ouverture béante. Kora, Baltus et Mardouk lui emboîtent le pas.

Dès qu’ils pénètrent dans l’atrium organique, les pulsations de la chair vivante les entourent. Kora se fige, les yeux fermés. Elle ressent une vibration familière — le fragment de sceptre est proche. Ouvrant brusquement les yeux, elle lève la tête et s’écrie :

— Là-haut ! Regardez !

Dans l’ombre du plafond, une abomination serpentine sans peau sommeille, accrochée aux parois : un Cardiasaure, créature naissant lors de la mort d’un dieu, et se nourrissant de ses chairs. En un éclair, ses muscles se tendent, et son long cou s’abat. D’un seul mouvement, la créature avale Sandro, puis, à peine une respiration plus tard, engloutit Kora.

À l’intérieur de la bête, l’angoisse et la douleur les saisissent. Le suc gastrique brûle leurs chairs. Sandro lâche un cône de froid, forçant la bête à ouvrir la mâchoire – mais glaçant aussi ses compagnons. Kora, suffoquant, prend la forme d’un élémentaire de pierre, espérant résister au poison.

Au sol, Baltus hurle son serment divin, enchaînant les châtiments sacrés.

— Pour la justice, meurs Gobosaure!

Chaque coup chargé d’énergie radiante, déchire les chairs. Mardouk, plus vif que jamais, enchaîne feintes et estocades, harcelant la créature dans une danse mortelle.

Enfin, dans un dernier cri, le monstre s’effondre. Mardouk bondit, l’éventre d’un coup sec. Dans les entrailles encore chaudes, Kora fouille, couverte de viscères, jusqu’à sentir sous ses doigts le métal froid du deuxième fragment du sceptre.

Alors que sa main se referme sur l’artefact, elle se retrouve plongée dans une vision.

Un continent où des lignes de feu sillonnent la terre, dévastant tout sur leur passage. Des tours s’effondrent, des armées s’affrontent dans un tumulte assourdissant, le bruit des épées et des cris de guerre se mêlant au grondement de la terre. Des dirigeables en flammes chutent lentement du ciek.

Puis, en un instant,le lieu change. Une lumière douce envahit l’espace, et une cité magnifique apparaît, baignée de lumière. Des enfants courent dans les rues, riant et jouant sous le regard attendri de leurs aînés. C’est Cyre, une ville radieuse, pleine de vie et d’espoir.

Mais cette paix ne dure pas. Une lumière d’une blancheur pure, surgit et engloutit tout. En un instant, la ville est effacée. Le sol devient gris, le ciel se fait lourd et silencieux. Ce qui reste de Cyre, c’est un désert, une terre stérile, sans bruit ni vie.

Au loin, des silhouettes apparaissent lentement dans ce désert. Des êtres faits de bois, de métal, d’âme, comme des créatures forgées dans une autre époque. Ce sont les Forgaciers. L’un d’eux s’arrête, la fixant. « Nous n’avons pas été créés pour la paix. »

Un champ de bataille infini s’étend devant Kora, des géants de fer gisant dans le sol comme des dieux déchus. Les colosses, ces gigantesques machines de guerre, sont brisés, fument encore pour certains, leur puissance désormais éteinte. La scène est un testament du chaos, du sacrifice, de la guerre sans fin.

Puis, brusquement, la vision s’efface. Kora se retrouve de retour dans la réalité, haletante, le cœur battant à toute allure.

Un nouveau monde les attend, un monde en proie à la guerre, à la destruction. Le troisième fragment l'appelle.

Un silence s’installe, pesant, alors que Sandro grimace en enlevant un dernier lambeau de membrane collée à sa botte. Il regarde les autres, puis crache au sol avec un bruit de dégoût.

— Je vous le dis : si une autre créature me regarde de travers, je crame ce foutu plan entier avec une boule de feu.

Kora, en train de decoller ses cheveux poisseuses, lève un sourcil :

— Je n’ai jamais vu autant de... fluides différents.

Baltus ne dit rien. Il essuie son épée lentement, méthodiquement, les lèvres pincées. Il a prié pour les âmes de tous ceux qui sont morts ici.

Mardouk, lui, s’est simplement assis. Il regarde droit devant lui, le regard vide, l’âme ailleurs. Peut-être à Sigil. Peut-être au fin fond d’un tonneau de bière tiède, là où les pièges sont moins sournois.

Soudain, Sandro se redresse.

— Assez. On a ce qu’on voulait. On a saigné pour ce fragment, on s’est fait dévorer vivants — littéralement.

Kora hoche la tête.

— Direction Sigil ?

Le cercle de téléportation s’ouvre en bruissements d’éclairs violacés. Sans un regard en arrière, ils s’y engagent.

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