✦ Chapitre 5 :✦ Barovie ✦

Retour à Sigil

Le village de Barovie

La funeste demeure

les catacombes

Adieu, Barovie

✦ Retour à Sigil ✦

Le groupe se repose non loin de la carcasse monumentale de Landr, les corps meurtris et les esprits fatigués par les épreuves passées.

Au matin le groupe reprend la route vers le portail menant au sanctuaire d’Alustriel. Leurs pas sont prudents, leurs yeux scrutent le brouillard, car ils savent qu’ils n’ont plus la force d’affronter d’autres dangers.

À leur arrivée, ils retrouvent leurs compagnons temporaires — Dorotie-Lynn, Grezan et Kalith. Fidèles à leur promesse, ils les attendaient.

La nuit tombe, et autour d’un feu, les héros racontent ce qu’ils ont vu et vécu.

En signe de reconnaissance pour les trésors confiés auparavant, Kalith offre à Baltus un anneau magique, gravé de feuilles.

Au petit matin, le groupe échange une dernière fois regards et poignées de main.

Puis, d’un pas déterminé, ils franchissent le portail ouvert vers le palais d’Alustriel. Le sol tremble sous l’effet du vortex, alimenté par la magie de Tasha et d’Alustriel.

Tasha est là, affalée dans un fauteuil, son corps secoué de faibles tremblements. Kora fronce les sourcils, se demandant si elle a déjà vu la magicienne autrement qu’affalée. Effectivement, Tasha n’a plus rien de l’archimage flamboyante et cynique qu’elle était lors de leur première rencontre. Ses traits sont tirés, ses yeux voilés par la fatigue, et chaque mot qu’elle prononce semble lui coûter une part de sa propre vitalité.

Sandro, qui remarque l’expression de la druidesse, souffle doucement à son oreille : « Elle est épuisée par le rituel et l’ouverture des portails. »

Tasha lève faiblement la main, un geste incantatoire, et une lueur éthérée vient saisir le fragment pour le lui apporter. « Vous tenez entre vos mains trois fragments du Bâton… »

Elle ferme les yeux, avant de reprendre d’une voix rauque: « … et le quatrième… se trouve dans un endroit que même moi, je ne franchirais plus. »

À ses côtés, Alustriel, silhouette frêle au teint cireux, ses lèvres bleutées et ses yeux ternes, murmure : « La Barovie… un nom qui pèse lourd dans la Gisombre. »

Le groupe se regarde, songeur. La Gisombre… Le lieu où leur quête a commencé.

Tasha serre les dents, son ton devient plus grave : « C’est un morceau brisé du Plan de la Gisombre. Un domaine de l’Épouvante. Des lieux comme celui-ci sont façonnés par la douleur, la haine, les regrets. »

Alustriel complète : « Et celui-ci… est né du cœur noir d’un seul homme. Strahd von Zarovich. Noble jadis général, compagnon d’armes d’Ulmed. Frère, amant trahi… devenu vampire par son propre choix. Il a tué son cadet pour voler son destin. Et quand la femme qu’il aimait l’a rejeté… il a été damné. »

Tous écoutent sans sourciller, prenant des notes mentales, conscients de l'importance de ces révélations.

Tasha : « Les Sombres Puissances qui régissent la Gisombre ont vu en lui un pion idéal. Elles lui ont offert ce qu’il voulait : le pouvoir. L’éternité. Mais il a été enfermé dans une prison qu’il n’a jamais su fuir. Une prison qu’il gouverne, mais qu’il subit à chaque lever de lune. »

Alustriel :« Dans ce monde, il contrôle tout. Les routes. Le ciel. La Mort elle-même. Vous ne passerez pas inaperçus. Il vous verra. Il s’intéressera à vous. »

Tasha tousse, essuyant ses lèvres pâles avant de murmurer : « Et il testera vos âmes. »

Kora, consciente de l’importance de ces informations, lève la main avec une politesse presque scolaire. Tasha, esquissant un mince sourire amusé malgré son épuisement, acquiesce : « Oui, Kora ? »

« Quelles sont les faiblesses des vampires ? » demande la druidesse.

Tasha rassemble ses forces pour répondre : « Les vampires sont vulnérables à la lumière du soleil. La brûlure du jour peut les réduire en cendres. Ils craignent l’eau vive, qui les blesse comme une lame sacrée. »

Alustriel poursuit : « Ils ont le don de se régénérer. Ils peuvent se changer en brume, en chauve-souris, en loup, se glisser dans les ombres et disparaître. Leur esprit est une arme : ils séduisent, corrompent, plient la volonté de ceux qu’ils croisent. Et ils ne peuvent franchir le seuil d’un foyer où ils n’ont pas été invités. Ils rampent sur chaque surface, escaladent chaque mur comme une araignée, jamais ralentis par la gravité. »

Sandro, le regard attentif, acquiesce lentement. « Mais… en Barovie, comme en Gisombre, la lumière du soleil ne nous aidera pas. Le ciel est toujours sombre, ou voilé par des brumes funestes. Il est chez lui, partout, à chaque instant. Il nous reste les dégâts radiants qui pourraient nous aider. »

Kora, fronçant les sourcils, pose une question presque pratique : « Alors… y a-t-il des cours d’eau vifs là-bas ? Des rivières, des cascades… au cas où nous devrions fuir ou nous retrancher ? »

Tasha secoue faiblement la tête : « L’eau y est rare… Les rivières et les lacs sont noirs et stagnants. Mais si vous trouvez un torrent encore vif, il pourrait vous offrir un instant de répit. »

Baltus, encore en train d’assimiler les particularités de la Barovie, prend la parole, la voix grave et polie : « Soit… quels sont les moyens les plus sûrs pour lutter contre ces vampires ? »

Alustriel croise son regard et soupire : « Le feu sacré, la foi, la magie. Les symboles saints ne fonctionneront pas, mais l’eau bénite, oui. Les cœurs inébranlables et les âmes résolues. Ce sont vos seuls remparts contre ce prince des ténèbres. »

Se concentrant sur le morceau du Bâton, Tasha reprend la parole. Ses doigts tremblants effleurent la surface du fragment, et un frisson d’énergie circule autour de ses mains. Elle inspire, ferme les yeux un instant, puis révèle la dernière vérité : « La Funeste demeure se trouve à l’est du village. C’est là que se cache le quatrième fragment. »

Ses yeux se posent sur chacun des héros : « Si vous choisissez d’y aller… sachez ceci : les Brumes séparent la Barovie du reste du multivers. Elles enferment les âmes, ne laissant partir que ceux que le maître des lieux autorise. »

La voix d’Alustriel, plus faible que jamais, glisse comme un ultime avertissement : « Il vous faudra vaincre Strahd… ou le convaincre. »

Chacun s’interroge : comment convaincre Strahd de les laisser partir ? Sandro laisse échapper une suggestion sombre : « Peut-être… des esclaves. Une offrande de vies. »

Ses mots s’étouffent presque aussitôt, car Baltus et Mardouk le foudroient du regard, la voix ferme et le ton sans appel. « Non. Nous ne troquerons pas des vies innocentes pour la nôtre, » déclare Baltus. Mardouk renchérit : « Jamais nous ne deviendrons les monstres que nous combattons. »

Un silence pesant s’installe, avant que Mardouk ne hasarde un sourire nerveux : « Et si… Kora tentait de le séduire ? Après tout, une femme a causé sa perte autrefois… »

Kora arque un sourcil, mais n’offre aucun commentaire. Sandro soupire et reprend : « Certains d’entre nous devront peut-être offrir un peu de sang. Strahd… se nourrit des passions et des serments. »

La discussion dérive sur la question de son amour perdu. Ramener cet amour à Strahd est un rêve impossible, un mirage dans la brume.

Alustriel murmure enfin : « Strahd aime le jeu. Il aime la chasse. Peut-être… vous testera-t-il ainsi. »

Avant de s’enfoncer dans la Barovie, le groupe décide de retourner à Pasdhiver pour s’équiper et se préparer.

Baltus, Mardouk et Kora se rendent au temple de Torm. Baltus propose à l’occasion une visite complète du temple, espérant ainsi montrer la grandeur de son dieu. Ils achètent dix fioles d’eau bénite ainsi que quelques potions de soin.

Sandro, quant à lui, reste à la bibliothèque, la main sur les parchemins poussiéreux. Il apprend que la Barovie est peuplée d’humains, non de morts-vivants comme dans la Gisombre. Des villageois arrachés à leurs mondes, prisonniers de la malédiction, condamnés à servir de vivier pour la soif éternelle de Strahd. Les légendes sur son passé se recoupent sur l’essentiel, mais jamais sur les détails : un nom pour son amante… Marouska, Iliana…

Au marché, Kora se tourne vers un étalier un peu inquiet et achète de grands chapelets d’ail. Mardouk la regarde avec un sourire moqueur : « Un moyen ancien, mais qui sait… »

Ainsi parés, les héros sont prés a affronter la Barovie.

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✦ Le village de Barovie ✦

De retour à Sigil, le portail pour la Barovie est ouvert. De l’autre côté, un village macabre émerge dans le brouillard, avec une montagne et un château lointain qui dominent l’horizon. Les héros échangent un dernier regard, puis franchissent le pas.

Une brume épaisse et froide s’enroule aussitôt autour de leurs pieds. Ils avancent à tâtons, jusqu’à ce que leurs pas résonnent sur un sol pavé, humide.

Ils émergent à la lisière ouest d’un village morne, aux maisons de pierre et de bois aux toits pentus. Une sensation d’être épiés naît dans leurs esprits : derrière les volets entrouverts, des regards se devinent, curieux et craintifs.

Le bruit ténu d’un enfant qui pleure s’élève, persistant, depuis une grande bâtisse à l’autre extrémité du village. Des silhouettes apparaissent peu à peu dans la brume : des villageois s’affairent à leurs routines — certains au marché, d’autres poussant des charrettes grinçantes.

Les héros avancent en direction du cœur du village de Barovie. Sandro ferme les yeux, se concentrant pour détecter la présence de morts-vivants. Comme ses recherches le lui avaient appris, il ne perçoit rien de tel. Les villageois sont bel et bien des êtres humains, non des revenants.

À peine entrés qu’un jeune garçon court s’agripper à sa mère, la voix tremblante :
« Maman… est-ce qu’ils vont nous transformer ? Comme ils l’ont fait avec père ? »

Les habitants évitent soigneusement leurs regards. Les portes se ferment avec précipitation, les volets claquent à leur avancée, comme pour repousser l’inconnu.
Une vieille femme, fermant ses volets, murmure à son mari :
« Tu vois ? Ils sont là… comme les prêtres l’avaient dit. Des moissonneurs d’âmes, venus achever ce que Strahd n’a pas pris. »

Le reste du groupe continue, mais Mardouk s’arrête un instant pour rassurer une grand-mère derrière sa porte close. Il parle d’une voix posée, promettant qu’ils n’ont aucune mauvaise intention. Mais la porte se verrouille, et seule la peur répond à ses mots.

Le groupe s’arrête alors au milieu de la rue principale, le regard inquiet. Sandro plisse les yeux, cherchant à comprendre la situation :
« Apparemment, nous ne sommes pas les bienvenus ici… »

Kora, attentive aux regards fuyants, acquiesce :
« Les habitants nous prennent pour des moissonneurs d’âmes… »

Mardouk, d’un ton pragmatique, propose :
« Peut-être devrions-nous nous rendre directement au château, rencontrer le baron et discuter avec lui ? »

Un instant de flottement les saisit. Un peu désorientés par cet accueil glacial, ils n’aperçoivent pas le mouvement qui se forme autour d’eux.

Les clameurs montent. Une foule commence à les encercler, sortant des maisons et des ruelles comme des ombres qui se rassemblent. Des mains tremblent sur le bois d’une fourche. D’autres serrent un bâton noueux, brandi comme une arme sacrée.

Une voix éclate au-dessus de la rumeur, chargée d’une peur rageuse :
« Vous apportez la ruine ! On vous a vus dans les visions du prêtre ! Il a dit que vous viendriez dans la brume, couverts de malheur et porteurs de sang ! »

Un fruit pourri vole dans l’air, éclatant sur la robe de Sandro dans une giclée rougeâtre et acide.

Sandro fixe l’homme qui vient de parler, son regard se durcissant, et déploie son aura d’effroi autour de lui. L’homme s’écroule au sol, catatonique, les bras serrés autour de ses genoux, balbutiant d’une voix cassée :
« Ils vont dévorer nos âmes… »

La foule pousse alors un soupir de surprise. Une femme s’avance d’un pas, dans ses bras un nourrisson qu’elle serre contre elle. Sa voix tremble :
« Est-ce vrai ? Dites-nous ! Êtes-vous venus prendre nos enfants ? Comme les autres avant vous ? »

Mardouk est le premier à réagir, levant les mains dans un geste apaisant :
« Par Torm, non ! Nous ne sommes pas venus pour vous faire du mal, ni à vous ni à vos enfants ! »

Un autre homme, plus âgé, les mains serrées autour de son bâton, s’avance à son tour. Sa voix porte une autorité certaine :
« Répondez ! Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ? Et… pourquoi maintenant ? Pourquoi lui vous laisserait entrer si vous ne serviez pas ses desseins ? »

Baltus lève son symbole sacré bien haut, le tenant fermement à la vue de tous. La lumière apaisante du globe de Sandro éclaire son visage grave. Sa voix résonne, claire et forte :
« Nous sommes ici pour rencontrer le baron Strahd ! Nous ne sommes pas venus pour vous faire du mal ! Ces prêtres se sont trompés. J’en fais le serment sur Torm ! »

Les mots frappent la foule comme un vent nouveau. Les regards se croisent, hésitent, des bras se baissent. la femme se met à pleurer doucement, son visage enfoui contre son nourrisson. Une partie de la foule commence à rentrer chez elle, refermant portes et volets dans un silence presque religieux. Une autre partie reste encore, les regards méfiants mais moins menaçants, fixés sur le petit groupe.
L’homme âgé hoche lentement la tête.

Kora ajoute :
« Nous souhaitons nous rendre dans cette demeure… à la recherche d’un objet important. »

Elle pointe la bâtisse au bout de la rue, là où la brume semble s’épaissir. À ces mots, les visages blêmissent, et dans un instant de panique silencieuse, ils se dispersent , disparaissant dans les ruelles.
Seul le vieil homme reste. Il désigne la demeure d’une main tremblante :
« La demeure des Durst ? Alors… faites ce que vous êtes venus faire. Mais… s’il vous plaît… ne touchez pas aux enfants. »

À ce moment, Mardouk aperçoit dans une ruelle voisine une silhouette humaine, drapée dans un long manteau noir au col relevé, le visage dissimulé sous un large chapeau. L’étranger fait un signe discret, invitant Mardouk à s’approcher.
Mardouk s’approche et la silhouette se révèle. Elle garde les mains bien visibles et incline légèrement la tête, signe de respect mais aussi de prudence.
« Vous avez bien fait avec cette foule. Je ne sais pas si vous êtes les monstres que ces gens craignent, mais vous n’êtes pas venus ici sans raison. »

Elle retire lentement sa capuche, dévoilant un visage d’ébène et des yeux perçants.
« Je suis Sarusanda Allester, inquisitrice du Tome. Je parle avec les morts plus souvent qu’avec les vivants, mais… vous, je tenais à vous rencontrer. »

Elle fait un geste discret en direction d’une ruelle voisine.
« Nous ne devrions pas rester ici. Les oreilles sont nombreuses à Barovie, même quand elles sont mortes. Je vous propose de parler en privé.»

Mardouk, conscient du danger mais intrigué par les mots de l’inquisitrice, appelle ses compagnons. Baltus, la main posée sur le pommeau de son arme, la dévisage d’un regard soupçonneux.
« Qui êtes-vous?»

Les yeux de Sarusanda brillent d’une lueur froide, et elle répond avec une assurance tranquille :
« Je sers l’ordre d’Ulmed. Je suis une inquisitrice du Tome. C’est notre mission de traquer non seulement les formes extérieures et monstrueuses du mal, mais aussi celui qui se tapit au plus profond des cœurs et des esprits. »

Baltus hésite un instant, puis finit par hocher la tête. À défaut de lui faire confiance, il accepte de la suivre. Le petit groupe emboîte alors le pas de Sarusanda, traversant la ruelle sombre jusqu’à une maison abandonnée.

Une fois à l’abri des regards, Sarusanda s’appuie contre un mur, ses bras croisés.
« Vous avez bien géré la foule. Ces gens… ils sont perdus. Ils écoutent la peur. Et la peur vient de ceux que je traque : les prêtres d’Osybus. Qui êtes-vous exactement ? »

Baltus répond calmement :
« Nous aussi, nous luttons contre le mal et la corruption. Nous venons d’un autre plan, plus exactement des Royaumes Oubliés et de la cité de Pasdhiver. »

Un éclair d’intérêt traverse les yeux de Sarusanda.
« D’un autre plan… Je m’en doutais. Ce symbole de Torm… il n’est pas d’ici. »

Sandro confirme, d’un ton solennel :
« Nous sommes venus avec l’aide de Tasha, d’Alustriel et de Mordenkainen. Nous cherchons un objet… pour contrer Vecna. »

À l’évocation du nom de Vecna, l’air semble se figer. Le groupe ressent la morsure de leur malédiction, un frisson glacial qui coule dans leurs veines. Sarusanda tressaille, ses mains se crispant un instant.
« Vecna… »

Baltus incline la tête, la voix posée :
« Vous parlez d’un culte ? Nous n’avons pas encore vu ces prêtres. »

Sarusanda hoche la tête.
« Ils sont là. Ils en ont après la famille Durst et sèment la panique. »

Kora fronce les sourcils, le regard perçant :
« La Maison Durst ? Nous y allons justement. »

L’inquisitrice esquisse un sourire sans joie.
« La Maison Durst… elle est maudite. Gustav et Elisabeth Durst ont abrité un culte dévoué à Strahd von Zarovich. Longtemps, ce n’était qu’un jeu. Mais… récemment, ils ont trouvé quelque chose d’important. »

Sandro, ses yeux sombres, murmure :
« Quelque chose ? »
« Un artefact. Une relique. Je ne pense pas qu’ils comprennent ce qu’ils ont. Mais ils espèrent que Strahd, lui, comprendra. Et qu’il viendra. »

Baltus penche la tête, la voix grave :
« Le morceau manquant… »
« Pour arrêter Vecna, » ajoute Mardouk.
Elle incline la tête, un signe de respect.
« Je dois agir. Et vite, » insiste Sarusanda.« Si Strahd ou les prêtres mettent la main sur ce fragment, ce monde en paiera le prix. Si vous prenez l’artefact pour vous, je n’en ferai pas une affaire. Tout ce que je veux, c’est qu’il ne tombe pas entre de mauvaises mains. »

Elle marque un silence, puis reprend d’un ton plus solennel :
« Je vous propose de m’aider. Ou, au moins… de ne pas m’empêcher d’agir. Nos chemins se croisent ici, mais ce que nous ferons dans la maison décidera peut-être du sort de beaucoup plus que cette vallée. »

Baltus incline la tête, la voix ferme :
« Nous n’avons aucun désir de vous gêner. Si nous pouvons nous entraider, c’est encore mieux. »

Mardouk, la main posée sur son symbole sacré, confirme :
« Notre but est le même : que le fragment ne tombe pas entre les griffes de Strahd ou de ces prêtres. »

Sarusanda les observe un instant, pensive. Elle hoche la tête, mais ses mots restent prudents :
« J’accepte votre aide, mais sachez-le : ma mission principale reste les prêtres. S’ils sont là, je les détruirai. »

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✦ La funeste demeure ✦

La brume s’épaissit à mesure qu’ils remontent la rue de terre battue, glissant entre les pierres et les murs comme un voile silencieux.
Au bout du chemin, la silhouette austère de la demeure se dessine enfin. Ses volets clos, son toit déformé par le poids des années, elle semble attendre, impassible et menaçante, trônant au milieu du silence comme un fauve endormi.

Mais ce n’est pas la maison qui attire d’abord leur regard. Deux enfants se tiennent là, figés.
Le garçonnet pleure en silence, serrant contre lui une poupée de chiffon usée. Sa sœur, une fillette à la posture droite, le retient d’une main posée sur son épaule, ses doigts crispés de détermination. Quand elle voit les aventuriers approcher, elle relève la tête. Ses traits sont tirés, ses joues pâles. Sa voix tremble quand elle parle :
« Il y a un monstre… dans notre maison. Papa et maman nous ont dit d’aller jouer dehors… Mais ça hurle. Et on a entendu des cris. S’il vous plaît… est-ce que vous pouvez nous aider ? »

C’est Baltus qui rompt le silence. À la surprise de ses compagnons, il s’avance vers les enfants, s’agenouille devant eux, la main tendue dans un geste rassurant. Lui, d’ordinaire si nerveux, laisse transparaître une tendresse inattendue, une lumière qu’ils n’avaient jamais vue briller ainsi dans ses yeux.
D’une voix posée, il murmure :
« N’aie pas peur, petit. Nous allons veiller sur toi et sur ta sœur. »

La fillette dit s’appeler Rosavalda. « Rose », pour les siens. Le petit garçon, encore tremblant, murmure son nom dans un sanglot : Thornboldt, ou « Thorn ».
Rose reprend :
« Maman et papa… ils nous ont envoyés dehors… Puis, il y a eu des hurlements, des cris. Ça venait du sous-sol. Je m’inquiète pour Brigetta, la nourrice. Elle a toujours été gentille avec nous… »
Ses doigts désignent la maison derrière eux, un geste hésitant, presque craintif.
« Et… et… des gens en robes sombres sont entrés… sans dire un mot. Ils sont allés à l’intérieur. »

Thorn renifle, relevant son visage baigné de larmes, et balbutie d’une voix chevrotante :
« Des fois… papa et maman… ils invitent des gens bizarres pour faire la fête… mais là… c’est pas pareil. »

Un silence tombe. Kora, Mardouk et Sandro échangent un regard surpris, comme s’ils redécouvraient Baltus. Il ne détourne pas le regard des enfants, son visage grave et son symbole sacré toujours suspendu à sa poitrine. Il soupire doucement avant de déclarer, d’une voix pleine de foi :
« Torm enseigne que les enfants sont la lumière du monde. Leur innocence est un éclat sacré qu’il nous faut protéger, même quand les ténèbres s’étendent partout. »

Le groupe, plus motivé que jamais, décide de se rendre dans la demeure.
À cet instant, Kora aperçoit dans une maison voisine une femme à sa fenêtre, le visage inquiet mais résolu. Elle fait signe aux enfants de venir à elle :
« Je vais veiller sur eux… Allez. Allez affronter ce qui rôde dans cette maison. »
Les enfants, encore tremblants, courent vers la porte ouverte où la femme les attend.

Alors que le groupe s’avance vers l’entrée de la demeure, Sarusanda s’arrête net. Son regard glisse le long de la façade sombre, puis se pose sur eux, empreint d’une intensité nouvelle.
« Je vais entrer aussi… mais ailleurs, » murmure-t-elle. « Nous couvrirons plus de terrain ainsi. Prenez garde. Cette maison… elle n’est pas faite seulement de bois et de pierre. Elle est faite de souvenirs. Et de regrets. »

Le groupe, surpris par cette décision soudaine, proteste aussitôt.
« Mais… tu as accepté de nous aider. » insiste Mardouk, la voix tendue.
« C’est dangereux de te séparer, » renchérit Sandro, le regard sombre. « C’est à la fois idiot et suicidaire. »

Mais aucun mot ne semble ébranler la résolution de Sarusanda.
« Je traque ces prêtres. C’est ma priorité. Je retrouverai chacun d’eux et je les exterminerai. Vous, concentrez-vous sur votre fragment. »

Sans un mot de plus, elle se détourne, disparaissant sur un coté de la maison.

Ils avancent, le pas prudent, devant la demeure sinistre. Le portail en fer forgé, monté sur de vieux gonds, grince dans la brume comme un cri d’agonie lorsqu’ils le franchissent. Au-dessus d’eux, des lampes à huile suspendues par des chaînes diffusent une lumière vacillante.

La double porte en chêne s’ouvre d’elle-même, sans résistance, comme si la maison les invitait à entrer. Ils pénètrent dans une antichambre silencieuse. Sur le mur sud, un écu est accroché, représentant un moulin doré stylisé sur fond rouge. Sandro note mentalement le blason des Durst. Une autre double porte les attend, close mais sans verrou.

Ils franchissent cette seconde porte et émergent dans un vaste hall, traversant toute la largeur de la maison. À l’ouest, une cheminée en marbre noir, où brûle un feu vacillant, projette des ombres dansantes sur les murs décrépis. À l’est, un escalier monumental en marbre rouge s’élève en spirale vers l’étage.

Le sol nu est propre, mais ici et là, des traces de pas mouillés mènent jusqu’à un vestiaire dont la porte est entrebâillée.

C’est alors que, sans le moindre avertissement, trois hommes vêtus de blanc, la peau et le visage recouverts de tatouages noirs sinistres, jaillissent des ombres. Leurs lames, invisibles et acérées, frappent Mardouk de plein fouet, déchirant ses nerfs et le projetant au sol, paralysé.

Kora, dans un grondement rauque, laisse la rage de la bête l’envahir : sa chair se mue, ses muscles se tendent, et un ours colossal surgit là où la druidesse se tenait quelques instants plus tôt.

Sandro, le visage impassible, lève les mains dans un geste de commandement. Sa voix résonne dans un murmure glacial : un des assaillants s’arrête net, ses yeux se voilant sous le joug du sort de domination. Dans l’ombre, la silhouette spectrale de Sandro se dresse, son ombre prenant forme pour frapper les nécromanciens de ses griffes.

Baltus, fidèle à la lumière de Torm, se précipite au secours de Mardouk. Mais à peine a-t-il franchi la moitié de la salle que ses jambes se figent, ses bras se raidissent sous l’effet de la paralysie.

La bataille fait rage. Un premier nécromancien s’écroule. Mais à peine tombé, dans un râle infâme, il se relève, tel un pantin ramené par la magie noire. Un deuxième subit le même sort : abattu, puis relevé, son corps oscillant sous l’emprise d’une volonté impie.

Kora, sous sa forme d’ours, frappe avec une sauvagerie froide, ses griffes labourant la chair et le sang. Sandro, toujours maître de son ombre, poursuit son contrôle et lance des traits de feu. Baltus, luttant contre la paralysie, donne des coups d’espadon à ses agresseurs. Mardouk, libéré de l’emprise, taille en morceaux ses adversaires.

L’un des assaillants tombe, son crâne se détachant de ses épaules pour flotter un instant avant d’exploser dans un souffle de feu. Le hall tout entier résonne de l’onde de choc, compagnons et agresseurs vacillant sous la violence de l’impact. Puis un second se transforme lui aussi en crâne enflammé, projetant ses flammes maudites.

À chaque fois qu’un des nécromanciens tombe, il se relève. Les tatouages lugubres, semblant vivants, pulsent encore sur leurs os. Commençant à se demander comment arrêter ces créatures que même la mort refuse d’accueillir, chacun se coordonne pour lacérer ces marques de ténèbres, les détruisant pour de bon et brisant enfin le cycle qui les ramène à la vie.

Lorsque le dernier agresseur s’effondre pour de bon, le silence retombe sur le hall.

Le groupe, haletant, recouvert de sang et de sueur, se redresse. Ils savent que ce n’est qu’un début : la maison les a accueillis… et elle a déjà goûté leur sang.

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✦ Les catacombes ✦

Ils avancent, le pas toujours prudent, et poussent la porte sud. Ils pénètrent dans un salon lambrissé de chêne sombre. Une tête de cerf empaillée trône au-dessus de la cheminée, son regard de verre fixe et impassible. Dans chaque coin de la pièce, un loup empaillé, la gueule entrouverte en un rictus éternel, semble les observer.
Les flammes dansent dans l’âtre, projetant des ombres mouvantes qui donnent vie aux trophées.

Mardouk se met à fouiller la pièce. Ses doigts passent sur les lattes du plancher, ses yeux cherchant la moindre irrégularité. Finalement, il découvre une trappe dissimulée, habilement encastrée dans le bois. Il tapote du pied, puis pose la main dessus : elle est verrouillée de l’autre côté.
Baltus le rejoint et observe la trappe avec un froncement de sourcils. Il se tourne vers les autres, la voix grave :
« Sortez. Laissez-moi l’ouvrir seul. Au cas où il y aurait un piège… »

Un à un, Kora, Sandro et Mardouk reculent, obéissant à la demande de leur compagnon.
Baltus, seul, lève son espadon. D’un revers précis, il abat la lame sur les planches, faisant éclater le bois avec un craquement sec. Le bois vole en éclats, et la trappe, arrachée de ses gonds, révèle un passage sombre et béant vers le sous-sol.
Il inspire profondément, puis appelle ses compagnons d’une voix ferme :
« C’est ouvert. Descendons. »

Kora pousse un grondement rauque, secouant sa massive tête d’ours. Elle se tourne vers Sandro, ses yeux dorés exprimant toute la frustration de son imposante stature.
Mardouk comprend aussitôt :
«Pas assez de place pour toi, Kora. »

Baltus descend seul dans la pénombre, chaque marche grinçant sous son poids. Au fur et à mesure qu’il s’enfonce, un chant étrange et incessant résonne autour de lui, emplissant l’air d’une atmosphère irréelle. Impossible de comprendre les paroles, ni même d’en déterminer la source.
La salle qu’il découvre est un véritable charnier. Des squelettes moisis pendent aux murs, suspendus à des chaînes rouillées. La pierre suinte l’humidité, et l’odeur de pourriture mêlée à la ferraille corrodée emplit ses narines.
Son regard se tourne vers l’alcôve au fond, où quatre statues en bois peint se dressent, représentant un homme émacié au visage blafard, vêtu d’un manteau noir. L’effigie de Strahd von Zarovich. Baltus sent son cœur se serrer : les cultistes ont dû offrir des sacrifices, espérant arracher à leur sombre seigneur des faveurs interdites.

« Pour la Lumière ! »
Sans hésiter, Baltus serre la poignée de son épée et frappe la première statue de toutes ses forces. Le bois cède, mais à sa grande horreur, la statue riposte aussitôt. Les trois autres s’animent à leur tour, se détachant de leurs socles pour l’encercler.
Baltus recule en titubant, son bras en sang.
Ses compagnons, entendant son cri d’alarme, se précipitent à sa suite. Kora disparaît dans un halo de brume glaciale, pour réapparaître dans les catacombes et charger de toute sa puissance d’ours. Mais le bois maudit ne cède pas à ses coups. Mardouk, la foi de Torm vibrant dans ses poings, se jette sur l’une des statues et l’ébranle sous la violence de ses assauts.
Sandro, les yeux flamboyants, tend les mains et invoque une chaîne d’éclairs. Les arcs électriques frappent les statues, les faisant vibrer et se fendre sous la puissance de la magie. Les statues résistent encore un instant, mais Sandro les achève de rafales de projectiles magiques, les pulvérisant en éclats.

Le silence retombe dans la salle. Baltus s’appuie contre le mur, haletant, son sang coulant sur les dalles froides. Il sort une potion et l’avale d’une traite. Autour de lui, les autres se soignent à leur tour, les blessures de leur précédent combat pesant sur leurs épaules.

Le groupe s’avance dans le passage au sud. La lueur vacillante des torches révèle un couloir de pierre brute. Tous les trois mètres, des renforts de bois soutiennent le plafond voûté. Le chant impie résonne toujours, un murmure lancinant qui semble venir de la pierre elle-même.
Ils avancent prudemment, Baltus en tête, sa lame prête. Les couloirs étroits s’ouvrent bientôt sur une première pièce : le salon des dirigeants du culte. Un lustre poussiéreux pend au-dessus d’une table de bois sombre, au centre de la pièce. Deux fauteuils à haut dossier encadrent la table, solennels comme des trônes. Une carafe en argile vide et deux gobelets de terre cuite sont posés là, figés dans le silence oppressant.

Ils ne s’attardent pas et poursuivent leur exploration. La pièce suivante est la chambre des dirigeants, Gustav et Elisabeth Durst. Un lit de bois, au matelas de plumes, occupe le centre. Dans une armoire, des robes de cérémonie sont soigneusement rangées.
Au pied du lit, une malle en bois est posée, déverrouillée, mais vide. À côté, une caisse de bois est ouverte, révélant un trésor de survie : trente torches empilées et un sac en cuir renfermant quinze bougies, précieuses pour éclairer les ténèbres qui les cernent.
Baltus et Mardouk récupèrent ces provisions sans hésiter. Leurs mains tremblent légèrement sous l’excitation d’un tel butin.

Revenant sur leurs pas, les aventuriers regagnent le salon. Ils empruntent le passage au nord, qui les amène à un escalier de pierre sombre. Là, un frisson parcourt chacun de leurs échine : le chant étrange provient du bas.
Sans un mot, ils descendent. La lumière de leurs torches danse sur des piliers nus et sur un dallage usé. Les voix, plus proches, répètent inlassablement :
«Elle est morte… elle est revenue… »

Au sud, deux passages s’offrent à eux. L’un mène vers une crypte plus profonde, l’autre descend en pente raide vers une zone inondée. Au bout de ce tunnel, une herse de fer rouillée barre le passage.
Baltus s’avance, son épée prête, et distingue à travers les barreaux une dizaine de silhouettes en robes de cérémonie. Leurs voix s’élèvent et s’éteignent dans l’écho. Au centre, un dais flotte comme par magie, sur lequel repose un autel noirci et maculé de sang séché.
Baltus retourne précipitamment auprès de ses compagnons. Un murmure d’inquiétude traverse leurs rangs. Faut-il foncer de front, affronter ces fanatiques au risque d’être submergés ? Ou user de ruse et de magie pour semer la panique et la confusion ?
Kora grogne d’impatience. Sandro réfléchit à un sort puissant, mais sait que la grille est vieille et la forcer pourrait attirer l’attention. Il faut agir vite, et fort.

Finalement, un plan est échafaudé : Baltus et Mardouk soulevent la herse à mains nues. Dans le même instant, Sandro entonne un sort de tempête de grêle, tandis que son ombre murmure les mots d’un autre sort : une boule de feu.
« Elle est morte… elle est revenue… Viens à nous, Seigneur Strahd… Reçois notre offrande ! »

Un hurlement de femme fend soudain les ténèbres, un cri de terreur qui glace le sang. Baltus, le regard rivé sur l’autel au-delà de la grille, aperçoit un mince filet rouge qui s’écoule du plafond et vient ruisseler lentement sur la pierre sacrée. Il n’est plus temps d’hésiter.

Ils décident d’agir. Baltus et Mardouk, muscles bandés, soulèvent la grille de fer rouillée et la libèrent de son ancrage. Baltus recule aussitôt pour préparer la suite de leur plan. Sandro, concentré, trace les signes du sort dans l’air : une tempête de grêle meurtrière jaillit, martelant la salle de projectiles glacés. L’ombre de Sandro, silencieuse et impitoyable, invoque une boule de feu qui explose au milieu des cultistes.
Il sait qu’il vient de condamner des innocents. Mais avait-il vraiment le choix ?

Alors que la fureur du feu et de la glace balaie la crypte, fauchant les silhouettes en robes noires, un nouveau cauchemar émerge.
De la flaque de sang encore tiède, une créature infernale s’élève. Haute de trois mètres, son corps est couvert d’une armure noire luisante. Dans chaque main, elle tient un aiguillon gigantesque. Un masque sans visage dissimule ses traits, mais la haine pure pulse de chaque mouvement.

La bête surgit dans le déluge de glace et de flammes, sa carcasse hérissée d’épines. Des piques jaillissent de ses flancs, transperçant cultistes et héros sans distinction. Baltus pousse un cri, transpercé par un dard noir. Sandro ne doit son salut qu’à son ombre qui se sacrifie, absorbant la blessure mortelle à sa place.
La créature, implacable, s’élance vers la grille. Mardouk hurle un défi, sa lame frappant la bête, entaillant sa chair démoniaque. Mais la créature disparaît, puis réapparaît plus loin, empalant Baltus de ses piques d’acier. Le paladin chancelle, la douleur déchirant ses entrailles. Mais dans un souffle, il ferme les yeux, invoque la lumière de Torm, et, d’un geste ferme, pose ses mains sur ses plaies, les refermant par la grâce divine.

La créature riposte à chaque coup, se téléportant à chaque blessure, frappant sans relâche. Son corps de fer et de ténèbres danse entre les héros, une ombre vivante qui les broie un par un.
Mardouk décide de retenir les cultistes, mais les survivants l’ignorent et se ruent par une sortie secrète, non sans lui lancer un dernier avertissement :
« Nul n’ose fouler le territoire de Strahd. Vous devrez en répondre à notre maître. »

Baltus brandit son épée. Dans un cri de défi, il invoque son serment sacré, la lumière dorée de son châtiment éclatant autour de la lame. Il frappe, fendant l’armure infernale. La créature vacille, poussant un râle inhumain.
Kora, toujours sous la forme de l’ours, bondit sur la bête, ses crocs refermant la gueule sur son cou. Dans un dernier rugissement, la créature est abattue.

Profitant du tumulte, trois nécromanciens tapis dans l’ombre fondent sur les héros. Leurs bras s’élèvent, projetant des traits d’énergie sombre. Sandro encaisse l’un de ces projectiles, un éclair noir qui le frappe de plein fouet et le projette contre un pilier. Il retient un cri de douleur, son regard toujours fixé sur ses ennemis.

C’est alors que Sarusanda surgit dans l’ombre, silhouette vacillante mais toujours prête au combat. Ses lames frappent en arcs rapides, tailladant les chairs des sorciers avant qu’ils ne puissent réciter d’autres incantations. Sa voix rauque fend l’air :
« Détruisez leurs tatouages, une fois qu’ils sont revenus à la vie ! Ils ne mourront pas pour de bon si vous ne les effacez pas ! »

Sandro étend la main, murmurant des syllabes interdites. Dans un souffle glacé, le sorcier est englouti par un vortex d’énergie : banni hors du plan, arraché à la réalité.
Mardouk et Baltus s’avancent, lames levées, et achèvent d’un coup implacable un des sbires d’Osybus. Kora, redevenue une eladrine d’hiver après un coup de lame spectrale, exécute un dernier nécromancien.
Sarusanda, le visage blême et les yeux brûlants de détermination, s’avance, arrachant les masques un à un pour dévoiler les visages des prêtres qu’elle traque depuis des jours… avant de leur faire exploser le crâne.
« Il en reste peut-être d’autres, » murmure-t-elle d’une voix éteinte. «Mais ceux-ci ne reviendront jamais. »

Elle ajoute, haletante :
« J’ai trouvé deux autres prêtres, et trois autres corps. Et vous ? Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez? »

Sandro s’avance dans la salle, ses pas résonnant dans l’eau stagnante qui inonde le sol.
La salle est lugubre, immense, soutenue par de lourds piliers nus. Le plafond, haut et sombre, semble avaler la lumière des torches. Dans la pénombre, une brèche béante ouvre sur une grotte où pourrissent des détritus innommables.
Au-dessus du dais, suspendu à des chaînes grinçantes, pend le corps d’une femme, inerte, livide. Un pieu cérémoniel, façonné dans le fragment qu’ils sont venus chercher, est planté dans son cœur. Le sang coule encore, perlant sur la pierre en un flot silencieux.
Les craintes se confirment : d’autres innocents sont morts, pris dans le tumulte des sorts.

Kora grimpe sur le dais, ses mains fermes et délicates à la fois, soutenant le corps sans vie de la femme. Baltus, la voix grave, ferme les yeux et entonne une prière pour le salut des âmes perdues.
Alors que Kora se penche sur le corps, ses doigts se referment sur le fragment. La lueur verte de la relique pulse sous ses paumes. Et là encore, une vision du fragment suivant et de son monde d’adoption :
Sous la lueur blafarde de trois lunes — une rouge, une blanche, une noire — la silhouette d’un dragon fend les nuages.
Une elfe au regard froid, drapée dans une robe rouge sang, fait onduler l’air autour d’elle, ses mains tissant un sort.

Avant que Kora n'ait le temps de partager sa vision, Une bourrasque glaciale s’engouffre aussitôt dans les couloirs de la maison, mordant les chairs et les âmes.
Les flammes des bougies, des lampes et des torches s’éteignent d’un souffle… puis se rallument teintées d’une lueur violette profonde.
Le vent change de timbre. Il devient un hurlement monstrueux, un amalgame de cris stridents de chauves-souris et de hurlements de loups. Le vacarme enfle, jusqu’à devenir un rugissement assourdissant qui emplit la maison tout entière.
Puis, soudain, tout s’arrête. Un silence lourd retombe, pesant comme la tombe.
Dans ce silence, ils entendent distinctement — comme si cela se déroulait juste à côté d’eux — la porte d’entrée de la maison qui s’ouvre lentement, grinçant dans l’ombre. Un clic sec, final. La porte se referme. Et à nouveau, le silence…
Baltus, la main crispée sur la garde de son arme, annonce fiérement d’une voix grave :
« Le seigneur des lieux… vient de partir. »

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